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laquelle l’orateur a cherché à l’entraîner, la discussion du budget serait interminable. Je ne puis laisser passer quelques-unes de ses paroles sans faire remarquer que, si la Constitution actuelle a été établie dans un esprit de réaction et de garantie contre tant de désordres qui menaçaient le cœur de la société, il est impossible de l’appliquer d’une manière plus modérée et plus paternelle qu’on ne l’a fait. La meilleure preuve de la tolérance et de l’esprit de liberté qui inspirent le gouvernement de l’Empereur, c’est tout ce que M. Ollivier a pu dire. »

Baroche se chargea de démontrer, sans que j’intervinsse, que l’esprit de tolérance et de liberté était en Morny, non dans le gouvernement. Il ne dissimula pas, dans un langage impliquant un blâme pour le président, que, s’il avait été le maître, il n’aurait pas toléré la liberté que j’avais prise. « Où en serions-nous, s’il était permis à tous les membres, à l’occasion du budget, de prendre ainsi une à une toutes les lois politiques du pays, et, avec l’habileté qui appartient à l’honorable préopinant, de faire le procès à chacune ? Le droit d’interpellation est antipathique à notre Constitution : il ne pourrait s’exercer, comme autrefois, que si les ministres assistaient aux séances de la Chambre ; en leur absence, elles deviendraient un combat à armes inégales, car il serait au-dessus des forces de l’orateur du gouvernement de représenter tout le monde, surtout si, non content de porter le débat sur les questions générales que tout homme politique peut et doit connaître, on l’étendait à tous les faits particuliers se rattachant à chaque département ministériel. » L’objection était juste, mais c’est précisément parce que cela devait entraîner la présence des ministres à la Chambre que nous saisissions toute occasion de critiquer leurs actes particuliers.

Baroche commit la maladresse de discuter pied à pied mes allégations ; il s’emporta au point de qualifier l’une d’elles de stupide. Il reconnaissait le droit d’interpellation en répondant à celle que je lui avais faite ; il me donnait à son tour gain de cause.

Cassagnac tenta encore une diversion historique : « Avant d’examiner les considérations présentées par M. Ollivier, je demande la permission d’entrer brièvement dans la situation personnelle de M. Ollivier. Cet honorable membre est l’élu d’une politique qui a eu son gouvernement. » Darimon fit remarquer que nous étions les élus de la population de Paris. Cassagnac reprit : « Si M. Ollivier et ses amis renient toute relation avec la