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un concours loyal. Mais là s’arrête notre satisfaction : elle cesse complètement dès que, nous isolant un peu du bruit qu’on fait dans le monde pour nous distraire de nous-mêmes, nous ramenons notre attention sur nos affaires intérieures. Notre collègue M. Dupont vient de vous entretenir, avec une sensibilité qui l’honore, du sort malheureux des employés inférieurs : je vous demande à mon tour la permission d’appeler votre intérêt sur la situation d’une classe de nos concitoyens qui mérite d’inspirer autant de compassion, je veux parler des journalistes (Rires). Ce sujet, je ne l’ignore pas, est fort délicat : la presse est pour tout gouvernement le véritable instrumentum regni, et, qu’elle se présente comme ennemie ou qu’elle s’offre pour amie, établir des relations avec elle est une affaire sérieuse. L’Empire a très nettement déterminé les règles de sa conduite dans le décret de février 1852. »

Le moment critique était arrivé. Si Morny me laissait tranquillement continuer, la bataille était gagnée ; de toutes parts les regards fixés sur lui l’interrogeaient. Il se crut obligé à quelque résistance : « Je vous fais observer que ces détails n’ont aucun rapport avec le budget ; vous savez jusqu’à quel point je suis favorable à la liberté de discussion, d’abord parce que je l’aime, ensuite parce que je crois que le gouvernement y gagne. Mais dans l’intérêt même de la discussion des affaires du pays, il ne m’est pas possible de laisser, à propos du budget, parler de toutes choses. Le décret sur la presse est un décret organique, et qui, à ce titre, se relie à la Constitution que vous avez acceptée et jurée.

Emile Ollivier. — Je soutiens que je suis dans la discussion du budget... Je n’attaque pas le décret sur la presse, je l’analyse. L’attaquerais-je, j’userais de mon droit : ce décret n’est pas, ainsi que vous l’avez dit à tort, une partie de la Constitution, c’est une simple loi. Or s’il est interdit avec raison d’être irrévérencieux envers la loi existante, il est toujours permis d’en démontrer les vices et de demander qu’ils soient réformés. Votre observation la plus importante, Monsieur le Président, qui consiste à soutenir que la discussion que j’annonce serait en dehors du budget, ne me parait pas davantage fondée. L’examen du budget a toujours été considéré comme fournissant l’occasion légitime et naturelle d’examiner la politique du gouvernement. Son vote impliquant toujours à un degré quelconque une question