Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

payer la dette de son origine, mais mentir à son principe, car son éternel honneur, c’est d’être venu protéger le pays contre cette doctrine menaçante des droits et privilèges du plus grand nombre. »

Baroche s’ingénia à concilier les deux adversaires. « Le gouvernement doit s’occuper de l’intérêt de toutes les classes de la société et non exclusivement de celui des classes les plus nombreuses, et ne point placer, comme on l’a dit, le privilège en bas, mais il est évident que les réductions de droits sur les objets de première nécessité améliorent dans une plus grande proportion le sort de ceux qui possèdent le moins. »

Ne se croirait-on pas déjà dans l’Assemblée de 1900 ?


III

Notre plus grand effort libéral fut dans la discussion du budget. Jusque-là, elle avait été renfermée dans l’examen de la situation financière ; nous résolûmes de la convertir en un inventaire général de la politique intérieure et extérieure, et de reprendre ainsi l’initiative, le contrôle, et l’interpellation qui nous étaient directement refusés. Si nous réussissions, la liberté parlementaire était virtuellement conquise ; en outre, nous mettions Morny en demeure de prouver si les intentions libérales dont il nous avait fait parvenir la promesse étaient sincères et persistantes. Je fus chargé de tenter l’aventure. Dès les premiers mots, sans précautions oratoires, je dévoilai mon dessein.

« Il m’a toujours semblé que la discussion du budget offrait un double intérêt : elle donne le moyen d’examiner la situation financière, de la contrôler, et aussi d’en instruire le pays ; elle fournit l’occasion de rechercher quel est l’état moral et intellectuel de la nation, et en quoi les dispositions matérielles de la loi de finances contrarient ou facilitent le développement de cet état. À ce titre, toutes les questions de la politique extérieure ou intérieure appartiennent à la discussion du budget. Depuis la dernière session, le gouvernement a réalisé trois grands actes que j’approuve : il a décrété l’amnistie, fait un pas considérable vers la liberté commerciale, et fait prévaloir en Italie le principe supérieur de la politique étrangère, le principe de non-intervention. Aussi, sur toutes les lois qui ont été, comme sur toutes celles qui seront le développement ou la conséquence de ces trois actes, nous lui avons donné et nous continuerons à lui donner, mes amis et moi,