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mais librement, de leurs intérêts respectifs. Nous avons toujours pensé que ces intérêts, en ce qui concerne l’Italie et la France, pouvaient aisément se concilier, et que les malentendus passés étaient le résultat artificiel d’une politique détestable, que personne sans doute n’a envie de renouveler aujourd’hui. Quant aux avantages que l’Italie a retirés de la Triple Alliance, qu’elle les pèse et qu’elle les juge elle-même ! Ce n’est pas dans un moment d’irritation passagère qu’elle peut le faire utilement : une telle étude demande beaucoup de sang-froid, afin de conduire à des conclusions durables.

Notre conviction déjà ancienne est que l’Italie s’est trompée sur ses véritables intérêts, en s’engageant à fond, comme elle l’a fait, dans la Triple Alliance, et en assumant de ce chef des charges qui devaient rester sans compensation suffisante ; mais, dans le cas où elle croirait le contraire, nous laissons à un supplément d’expérience le soin de lui montrer si elle a eu tort ou raison. En attendant, les réflexions, parfois un peu amères, que ses journaux ont faites publiquement ne pouvaient manquer de nous frapper, d’abord parce qu’elles sont en partie nouvelles, au moins pour nous et sous cette forme, ensuite parce qu’elles dénotent un jugement devenu plus indépendant. Quant à l’incident qui a donné lieu à cette espèce d’examen de conscience, il est à nos yeux sans importance. Le prince héritier d’Italie assistera aux fêtes de la majorité du prince héritier allemand. Cela ne changera rien à la situation actuelle de l’Italie et de l’Europe, ni probablement à ce que pourra comporter leur situation future. Cela n’empêcherait même pas l’Autriche de faire un arrangement particulier avec l’Allemagne, si l’une et l’autre le jugeaient à propos. La fête sera seulement plus complète ; il y aura plus de gens heureux de s’y voir. Comme cette satisfaction ne fait de mal à personne, nous sommes enchantés nous-mêmes qu’elle ait été donnée à l’Italie.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.