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que M. Giacosa a trouvé pour cette œuvre vraiment nouvelle. J’en ai entendu louer « l’adresse » ou « l’habileté ». Ce sont là des termes impropres, et en même temps injustes, que la critique courante emploie trop volontiers quand elle cherche à expliquer un succès dont la qualité même l’étonne. L’adresse et l’habileté, — qualités plutôt médiocres, — c’est le savoir-faire d’un auteur rompu à son métier : je n’en trouve pas dans Comme les feuilles. Je serais plutôt tenté d’y relever, de-ci, de-là, entre autres dans la scène finale, quelques gaucheries, — qui d’ailleurs ne m’offusquent point. — En revanche, j’y constate une manière inédite de concevoir l’action, de la développer, de la suivre, d’en nouer les fils divers, de la résoudre en la rapprochant de la vérité, sans gâter sa poésie. Dès les premières répliques, on cesse de sentir la fiction : ces scènes qui se déroulent devant nous, retenues ensemble par un lien souple et invisible, c’est de la vie, cueillie dans son rapide passage, fixée par des mots, très simple et très vraie, d’une vérité et d’une simplicité qui disparaissent trop souvent dans l’exécution des œuvres dramatiques. Ici, l’auteur a su conserver à son sujet — comment dirai-je ? — l’absence d’apprêt qu’il y a dans la réalité, de même qu’il a gardé à ses personnages leur indéfinissable individualité : la persistance de cette « fleur, » très délicate, toute fraîche, est un des charmes de Comme les feuilles.


EDOUARD ROD.