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La légende raconte que Gondoforus, roi de l’Inde, en quête comme nous d’architecture nouvelle, avait fait venir saint Thomas pour lui bâtir un palais selon le goût de Rome qui était, semble-t-il, le modern style de son temps. Lui ayant donné les ordres et l’or nécessaires, le roi s’en alla faire un voyage. Mais saint Thomas employa cet or à des œuvres pies et, quand Gondoforus revint, rien n’était bâti et tout était dépensé. Le roi, fort irrité, méditait de punir cruellement son architecte, lorsqu’il vit en songe son frère, mort depuis quelque temps, qui le consolait en prononçant ces paroles : « Mon frère, j’ai vu le palais d’or, d’argent et de pierreries qu’a bâti cet homme ; il est dans le paradis et, si tu veux, il est à toi. »

De cette leçon nous pourrions profiter encore. Si tous les millions qu’a coûté l’Exposition avaient été dépensés non à ces palais éphémères, mais à des maisons durables et non seulement dans Paris, mais dans ce paradis qu’est la France, et non serrées sur les bords d’un seul fleuve, mais sur les bords de toutes les rivières qui portent la vie aux hommes et aux plantes de ce pays, peut-être qu’en ne cherchant que l’utile, on aurait trouvé quelque beauté.


ROBERT DE LA SIZERANNE.