dans son pays : il verra en France « des Bédouins. » c’est-à-dire des nomades qui errent par bandes et qui pillent, des fonctionnaires qui s’en vont percevoir l’impôt à la tête de colonnes armées, qui prélèvent le tribut à la pointe du sabre, comme font les pachas de Turquie ou les sultans du Maroc. La Révolution n’est plus qu’un retour à la barbarie, un phénomène de régression brutale ; elle arrive à faire ressembler la France aux empires inorganiques de l’Orient. Sans doute, les maux qui produisent cet effet n’ont pas sévi depuis dix ans avec une intensité égale ; ils ont passé par des périodes d’exaspération et d’accalmie relative. En 1799, sous l’action de deux causes connexes, — retour du péril extérieur et accumulation de lois écrasantes, — ils redoublent de virulence ; leur force dissolvante s’accroît ; tout périclite, tout s’effondre, et de mois en mois, de jour en jour, la République descend plus bas dans un abîme d’ignominie et de misère.
Dans cet état affreux, que pense et où va la France ? Gouvernans méprisés, députés, fonctionnaires, membres des comités jacobins, émigrés en rupture de ban, « conspirateurs royaux, » Chouans de Normandie, « loups bretons, » chauffeurs du Midi, conscrits en révolte, quel que soit leur nombre, ce n’est pas là toute la France ; ce n’en est, après tout, qu’une minime partie. La grande majorité de la population se compose de ceux qui voudraient seulement travailler et VIe Te, de ceux qui souffrent de cet abominable désordre, sans y participer. Chez ces millions d’hommes, voit-on se former un courant d’opinion, une aspiration définie ; existe-t-il alors un état d’esprit césarien ? D’un dessein préconçu, la France cherche-t-elle l’homme, le sauveur. le maître, qui sera chargé de la pacifier despotiquement et de remettre toutes choses en leur place ?
Certes, jamais pays ne fut plus mûr pour la dictature que ne l’était alors la France ; elle y allait toutefois inconsciemment, par la force des circonstances plus que par l’accord raisonné des volontés. Depuis longtemps, des observateurs éclairés, des témoins placés en dehors de la tourmente, ceux qui regardaient de haut et pouvaient voir de loin, annonçaient la dictature et la signalaient à l’horizon. Dans le monde politique, chaque chef de parti voulait se fortifier d’un général, d’une épée. mais il entendait rester