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de l’architecture quelque chose de comparable à celle-ci, qui nous permette de dire : les anciennes furent des sources de vie, la dernière doit en être une nouvelle et pour les mêmes raisons.

Or, il n’en est rien. — Réduite à ses termes les plus simples, l’architecture est l’art d’abord de cacher le ciel et la terre, le ciel par le toit, la terre par les murs, et cela, non assurément pour les cacher, mais pour se préserver de leurs intempéries. Ensuite, une fois que le plus nécessaire est fait, c’est l’art de laisser apercevoir au dedans le plus de choses possible de la terre et du ciel, par les fenêtres ou par le cavedium. Aussi, avant tout, l’architecture est un toit et un mur : après seulement, c’est une fenêtre. Le progrès des temps a été de donner à cette fenêtre, sans nuire à la solidité du reste, le plus d’ouverture et le plus d’agrément possible. Ç’a été aussi d’étendre ce trou et d’élargir ces murs, de façon que, sans empêcher qu’ils protègent, on oublie qu’ils emprisonnent. Mais si grand que fût ce progrès, il ne parvenait pas et il ne serait jamais parvenu, avec les matériaux anciens, à renverser absolument la proportion des pleins et des vides. Si hardis que fussent les arceaux gothiques dans leurs ascensions, et si perfectionnée que fût la culture des rosaces envahissant le mur des cathédrales, ce qui donnait son caractère à l’édifice, c’était encore le toit opaque et les parois pleines. Sur elles et en elles toute l’ornementation reposait et s’accumulait. Or, dans son dernier état, réduite à des fils de fer et à des lames de verre, l’architecture ne nous cache plus rien. De la galerie des machines au palais du génie civil, des palais de l’horticulture aux halls des chemins de fer, c’est la leçon inscrite sur tous ces fers à T. Le fer est un support, ce n’est pas une surface.

De là, découlent deux grandes conséquences.

Avec la pierre, tout l’effort de l’artiste consistait à évider sans détruire : avec le fer, à remplir sans incommoder. Avec la pierre, toute son industrie consiste à pratiquer des vides pour plaire à l’œil sans nuire à la stabilité : avec le fer, à construire des pleins pour plaire à l’œil et qui sont inutiles. Autrefois, on faisait des pleins par nécessité et des vides par élégance. Aujourd’hui, on fait des vides par nécessité et des pleins par élégance. En sorte qu’on peut bien parler d’architecture de fer, mais, si l’on admet cette définition que les pleins sont les parties essentielles de l’architecture, il faut avouer que le fer fait bien mieux que de modifier l’architecture : il la supprime. Il ne laisse plus que les