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tronc ne rétablit pas toujours par sa largeur à la base l’équilibre compromis par son faîte : le tronc du palmier, par exemple, diminue en s’approchant du sol et, de toute façon, nous apparaît comme une pyramide renversée. Pourtant, nous n’avons aucun doute sur sa stabilité. Et enfin, dans l’architecture même, nous ne sommes pas inquiétés par le profil d’un chalet à multiples encorbellemens. Ainsi donc, notre habitude n’est pas telle qu’elle commande impérativement notre goût. Quand, en 1889, nous avons vu les piliers de la Galerie des machines, nous ne nous sommes pas scandalisés s’ils s’amincissaient en s’approchant du sol, comme des troncs de palmiers. Car nous ne mettions pas en doute leur stabilité.

Mais tandis que l’idée de solidité change selon que notre esprit est mieux averti des conditions nouvelles de cette solidité, l’impression d’élégance d’une ligne, elle, ne change guère. Or cette impression nous fait repousser absolument les entretoises et les croisillons, les N et les croix de Saint-André, dont se compose le plus souvent l’ornementation architecturale du fer.

Contre cette impression que dira-t-on encore ? Que tous les partisans d’un art établi l’éprouvèrent en face de l’art qui allait le remplacer et que nous sommes devant les hautes carcasses de fer comme les Grecs eussent été devant les barbares chefs-d’œuvre de l’art ogival. Dira-t-on encore que le fer n’est déplaisant que là où, abandonnant ses qualités propres et dissimulant sa nature pour simuler les formes de la pierre, il emprunte à celle-ci son aspect décoratif, mais que s’il osait se déployer sans modèle, s’aventurer sans guide, s’affirmer sans peur, il trouverait de lui-même le caractère de beauté qui lui convient ? Dira-t-on, enfin, que, pour le trouver, l’architecte n’a qu’à suivre les suggestions de la matière nouvelle qu’il emploie et qu’a donner comme caractéristiques aux palais nouveaux les caractéristiques mêmes du fer ?

La première de ces suggestions soulève la question de savoir si la révolution apportée par le fer dans la construction est de même nature que celle apportée par l’ogive et l’ensemble de nervures succédant au plein cintre ou bien par le plein cintre succédant au linteau ? C’est même la question de savoir si l’on peut comparer le remplacement du bois par la pierre à celui de la pierre par le fer, et enfin, s’il y a dans toute l’histoire des révolutions