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de Lescot et de Mansard. On peut déplorer que cette ville existe, mais on ne peut l’orner comme si elle n’existait pas. On ne peut pas plus mettre au hasard un palais dans une ville qu’un meuble dans un salon. Et introduire au milieu de tous les monumens qui composent le Paris moderne, un édifice qui en eût rompu toutes les habitudes, c’eût été proprement mettre un confessionnal dans une salle à manger ou, dans une salle des gardes, un pouf...

Le mérite des deux palais, de celui de M. Girault comme de celui de MM. Deglane, Louvet et Thomas, c’est qu’ils sont à leur place. Et l’indice que c’est bien leur mérite, c’est qu’ils ont paru beaucoup plus agréables une fois construits et dans leur cadre que sur les plans et d’après les lavis où, d’abord, on les avait jugés. D’ailleurs, les critiques de détail sont faciles et elles n’ont point manqué. Le « grand » palais se prolonge, çà et là, dans un développement si peu compréhensible qu’il paraît des deux le plus petit. Sa colonnade se juche sur un soubassement si haut et est écrasée par une masse de verre si énorme, que les colonnes, réduites à un rôle purement ornemental, ne jouent plus le rôle de supports où leur élégance se déploierait. Le style est tellement composite, que tout en satisfaisant l’œil à peu près partout, il ne frappe et ne s’impose nulle part. Quelques ornemens se dressent inutilement, telles ces fioles gigantesques et inexplicables qu’on voit plantées, deux à deux, çà et là, sur le haut de l’édifice. Et, surtout, dès qu’on s’éloigne, l’énorme ballon de verre, allongé sur la pierre comme un aérostat dirigeable, plus pesant aux yeux qu’un toit de pierre ou d’ardoises, écrase, opprime et aplatit jusqu’à terre le malheureux monument.

Mais, quand on aura fait ces critiques et cent autres, il n’en restera pas moins que, vus des Champs-Elysées, les deux palais sont exactement ce qu’il fallait qu’on vît. Ils forment l’allée nécessaire, plantée de colonnes ioniques, qui conduit l’œil aux pylônes, où se cabrent les Pégases, de leurs sabots tâtant l’azur et de leurs ailes frémissantes marquant les limites du fleuve, — jalons indispensables pour creuser l’horizon vers le dôme. La « tache » que fait chacun de ces deux palais est si heureuse qu’on ne la remarque déjà plus. Il semble qu’ils aient toujours été là. Quand on entre dans le petit palais de M. Girault, on éprouve cette impression de paix. On l’éprouve aussi sous la colonnade intérieure