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déconcertées à mi-exécution, à suspendre sur les murs de lourdes draperies, des souvenirs de baldaquins, des curiosités de bonbonnières, ou bien, — affichant l’impuissance à satisfaire les yeux, par la forme pure, — des tableaux. Ces profils sans précision, ces enroulemens sans but, se poursuivent indéfiniment dans le plus monotone salmigondis de styles rancis. Et, quand on glisse devant leurs multiples mirages, sur le chemin mouvant du fleuve qui nous fait voir leurs fondations frêles, ou sur le chemin mouvant de bois, qui nous montre leur énorme épanouissement, l’on éprouve, comme durant une longue traversée, un indéfinissable ennui. Là-bas, sur la mer, les vagues se succèdent aussi, capricieuses et dissemblables, mais c’est cependant toujours la même vague, roulant sur le même océan. Ici, il n’est peut-être pas deux de ces toits qui aient la même forme et pourtant aucune architecture n’apparaît avec une forme inconnue, qui nous apporte l’annonce d’un art nouveau. Aucune voile à l’horizon !

Ce n’est pas certes que les artistes n’aient fouillé très profondément dans l’histoire, dans les musées, et surtout dans les mers. Car il semble que ce soit des mers qu’ils aient rapporté ces étranges excroissances criblées de trous qui ornent la base de leurs mâts assez semblables à la coquille treillissée de la dictyomitra ou bien ces lanternons, dont la carapace siliceuse de la dictyosistra paraît avoir donné le modèle. Comme on est devenu savant I On a tiré du fond des eaux des courbes de silirux et des couleurs d’oreilles de mer ; on en a extrait des conques et des coquilles sans nombre, plus propres à figurer des cors dans la main des tritons qu’à couronner des édifices publics, et bien des pignons rappellent moins la rose gothique que la paludine d’Hoernes et moins les trouvailles des archéologues que celles des scaphandriers.

Heureusement, pendant que ceux-ci fouillaient les mers, d’autres creusaient la terre. Et, tandis que les premiers ramenaient des creux humides ces moulures conchiformes, les seconds tiraient de la terre d’éblouissantes couleurs. Les émaux jaunes semés d’étoiles vertes, bleues et blanches, enfoncés dans les fondations de Suse, le pourpre foncé des uniformes des Perses, le jaune de leurs robes et de leurs vestes, et les marguerites bleues et vertes des faïences, l’éclat prodigieux de ces archers qui poursuivaient dans la nuit leur marche processionnelle, inconnue de toutes les générations d’architectes qui se sont succédé depuis les jours de Xerxès, viennent éclabousser neutre architecture grise et