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Aujourd’hui, soyons hospitaliers aux choses nées sur notre sol et sachons juger des fruits exotiques au tact de notre goût national. Devant ces toits sans nombre, sans ordre, et sans commune patrie, cherchons à dégager quelques idées. — peu nombreuses, — quelques idées ordonnées et quelques idées françaises. Cherchons ce que l’art contemporain sait puiser, au seuil du nouveau siècle, dans ces vieilles architectures passées ou exotiques. Cherchons ensuite ce qu’il faut penser du seul élément nouveau que nous voyons triompher de toutes parts, — du fer. Cherchons enfin, après toutes ces restitutions et toutes ces reconstitutions des maisons faites pour des hommes lointains ou disparus, ce que doit être la maison moderne qui abritera pendant leur vie les hommes et les enfans des hommes que ce mirage d’une heure aura charmés.


I

Comment en jugerons-nous ? Avec nos yeux. Car, pour juger d’une forme nouvelle, nous devons nous garer de deux suggestions : l’une que nous fournit la pure habitude, l’autre que nous inspire le raisonnement pur ; la première ayant façonné notre goût, jusqu’à le rendre hostile à toute forme nouvelle, et le second nous faisant défier de cette habitude, jusqu’à l’abdication complète de notre goût. Les deux manières de juger sont fatales, car elles entravent également l’indépendance du seul sentiment qui nous permette de sentir une œuvre d’art, le sentiment esthétique, alors que la raison ne doit servir qu’à écarter du sujet les entreprises de la raison même et à assurer le libre exercice du goût. En effet, parce qu’une forme imprévue éveille en nous d’autres idées que celles du monument auquel l’artiste vient de l’employer, il ne faut pas la condamner comme laide. Et, par exemple, ce n’est point parce qu’un musée ressemblerait de loin à un chapiteau d’alambic ou une porte monumentale à un appareil de chauffage, qu’il faudrait, dès l’instant, les condamner. Ce n’est point davantage parce que de minces piliers, faits d’une matière nouvelle et supportant une énorme voûte, ne nous fourniront plus l’impression de stabilité que nous donnaient les larges assises de pierre, qu’il faudrait dire que toute beauté est perdue. L’habitude n’est pas une loi.

Mais, d’autre part, parce qu’une forme, bien que laide, nous