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peine que chacune des familles celtiques, jalouse des privilèges accordés ou promis à une autre qu’elle, réclamait immédiatement la même faveur pour ses membres et, s’il apparaissait qu’elle ne pût l’obtenir, faisait tous ses efforts pour que la concession fût retirée ou restât lettre morte. Voilà pourquoi le home-rule irlandais a trouvé si peu d’appui chez les libéraux écossais et gallois. Mais le point de vue change dès l’instant que les trois nations intéressées s’entendent sur un home-rule-all-around qui leur donnerait égale satisfaction à toutes. Pour lointaine qu’elle apparaisse, cette entente est-elle possible ? M. Zimmer le pense. Les races celtiques du Royaume-Uni n’ont guère fourni la preuve jusqu’ici de leur esprit politique. Serves ou rebelles, jamais fixées, peut-être leur a-t-il manqué seulement l’apprentissage de la vie publique. Mais cet apprentissage, elles le peuvent faire quelque jour, en dehors et au-dessus du Parlement. Et, par exemple, si des congrès du genre de celui qui se tiendra cette année à Dublin avaient pour résultat de dégager l’unité d’aspiration des trois principales familles celtiques soumises à l’Angleterre et de leur faire entendre qu’il y va de leur intérêt respectif de se soutenir étroitement dans leurs revendications, on peut admettre que la question du home-rule-all-around aurait fait un pas décisif pour ces trois familles et que la crise irlandaise, en particulier, serait bien proche de sa solution. Nul besoin pour cela de recourir à la violence. « L’idée celtique, dit justement lord Castletown, est une idée de concorde et de fraternité, » et cette idée est écrite partout, dans les légendes, dans les codes, dans les dogmes philosophiques de la race. Je ne suis pas devin et j’ignore ce qu’une telle idée peut donner dans l’application. Mais il arriverait qu’elle ne servît pas seulement à obtenir pour les Celtes de Grande-Bretagne une amélioration de régime, il arriverait qu’elle retentît quelque jour sur la politique générale du pays, qu’il ne faudrait pas en montrer trop d’étonnement. L’histoire est pleine de surprises, mais aucune plus que celle des peuples du Royaume-Uni.

Charles Le Goffic.