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Vieille de trois quarts de siècle déjà, cette Association ne laissa point de jouer un certain rôle en Bretagne au temps de Louis-Philippe ; c’est à elle, par exemple, qu’on doit les premières tentatives de rapprochement avec le pays de Galles et l’Irlande ; mais dissoute sous l’Empire, reconstituée sur de nouvelles bases, condamnée à l’archéologie perpétuelle, science inoffensive au premier chef, elle avait perdu toute action sur le public, quand elle décida de créer en 1895 un comité de préservation du celtique armoricain. Placé sous la présidence de M. le chanoine de la Villerabel, ce comité, qui comptait parmi ses membres les plus zélés M. François Vallée, M. le chanoine Le Pennéc, M. l’abbé Buléon, M. Guillaume Corfec, M. Jaffrennou, etc., résolut d’agir à la fois sur l’opinion par l’enseignement, les journaux et les livres. En 1896, les collèges ecclésiastiques de Saint-Charles, de Guingamp et de Plouguernevel étaient dotés de chaires de celtique armoricain. Si l’enseignement du français demeurait le fond dans les écoles primaires, des concours facultatifs de rédaction en langue bretonne étaient ouverts dans ces écoles et les lauréats récompensés par des prix spéciaux. Le comité chargeait cependant M. Ernault d’établir pour le compte de l’Association un abécédaire et un dictionnaire élémentaires d’un format commode et qui pussent être mis aux mains des élèves, tandis que les maîtres recevraient le manuel breton-français du frère Constantius, directeur de l’école de Landivisiau. Il est bon de remarquer que le Comité de préservation n’entendait nullement substituer dans les écoles l’enseignement du breton à l’enseignement du français, mais au contraire aider à ce dernier enseignement par une méthode plus rationnelle appuyée sur les observations et les résultats obtenus en Provence par le système du frère Savinien. L’œuvre de presse dans l’Association bretonne était surtout représentée par la Kroaz ar Vretoned, l’Indépendance, l’Électeur, le Courrier du Finistère, la Résistance et les Lizero breuriez ar feiz. Ces journaux, catholiques et conservateurs, pourraient être suspects d’avoir confisqué le mouvement, si la clientèle des journaux républicains ne trouvait de temps à autre dans ces feuilles des poésies et des articles en langue bretonne. On peut dire cependant que le parti libéral dans son ensemble et malgré les avertissemens répétés de MM. Gaidoz et Luzel[1]

  1. Voir l’article de M. Gaidoz sur la Poésie bretonne en 1870, Revue du 15 décembre 1871.