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Les otages désignés devraient se constituer prisonniers sous dix jours, à peine de mort. Pour tout assassinat ou enlèvement d’un fonctionnaire, d’un acquéreur de domaines nationaux, d’un « défenseur de la patrie, » ou de ses père, mère, femme ou enfans, quatre otages seraient déportés, expédiés en de lointaines prisons, sans préjudice d’une forte amende. Les otages répondraient en outre corporellement ou pécuniairement des sévices, pillages, dégâts commis par les bandes. Une foule de dispositions accessoires complétaient l’atrocité de ces mesures, par lesquelles toute une partie de nos provinces tombaient en proie aux pires rigueurs de la conquête, étaient mises plus que hors la loi, mises hors la France.

Dans le courant de thermidor, la loi des otages fut déclarée applicable à six départemens de l’Ouest en totalité, partiellement à quatre autres. On la mit aussi en vigueur dans certaines régions du Midi. Plusieurs départemens se trouvant frappés, tous s’attendirent à l’être, et le résultat fut d’exaspérer au lieu de terrifier.

L’élasticité du texte permettait aux autorités locales d’assouvir leurs haines particulières, de multiplier les procès de tendance, d’inventer et d’étendre démesurément le délit de complicité morale avec les insurgés, de créer partout des catégories, des groupes de suspects, qui seraient autant de fournées désignées pour l’échafaud, si les terroristes parvenaient à le relever. Instruit par l’expérience, on aima mieux mourir en combattant, après s’être vengé, que de se laisser traîner à l’abattoir comme un stupide bétail. Des ligues de défense, des associations de représailles surgirent : dans la Gironde, une affiliation se forma sous ce titre : Amis confédérés de l’ordre et de la paix. Dans leur manifeste, les chefs ne s’avouaient pas royalistes, quoiqu’ils le fussent au fond ; ils prétendaient ne s’enrôler sous aucun drapeau politique, se mettre seulement en garde contre les effets d’une loi de sang et de rapine : « nous ne nous révoltons ni contre le gouvernement ni contre la loi constitutionnelle, mais bien contre la plus révoltante tyrannie. Ou cessez d’enseigner les droits de l’homme aux enfans qui balbutient, ou convenez que jamais il n’y eut plus juste sujet d’en faire usage. » A tout fonctionnaire qui tenterait d’appliquer la loi des otages, on opposerait des sévices sur sa personne, sur sa famille, sur ses biens : la loi du talion. Les adhésions à cette ligue de fureur se comptèrent par milliers ; il en vint des départemens voisins et notamment de la Charente.