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la période correspondante de l’année antérieure. Le fisc avait peu gagné, beaucoup perdu : l’opération se soldait, en fin de compte, par une perte sèche ; c’était pour en arriver à ce résultat que les financiers des Conseils avaient totalement perturbé le peu de vie économique qui restait à la France, ameuté les intérêts, accru les haines, fait un mal immense au régime.


III

La loi de l’emprunt progressif mettait les biens en coupe réglée et frappait à la bourse ; celle des otages supprima sur plusieurs points la sécurité relative des personnes et la menaça partout. Cette loi n’était pas née d’un seul coup dans le cerveau des révolutionnaires ; ce fut la conséquence logique et affreuse de l’état de guerre qui subsistait entre deux portions du peuple français et qui mettait aux prises les partisans et bénéficiaires de la Révolution avec ses adversaires en armes. Les premiers avaient vaincu les seconds, sans les soumettre ; en beaucoup d’endroits, ils restaient campés sur leurs positions comme en pays conquis, harcelés d’ennemis, fusillés à tout bout de champ par les Chouans et les rebelles, au milieu de populations qui sympathisaient secrètement avec les bandes. Fatalement, ils devaient en venir aux plus excessives pratiques que se permet une armée d’étrangers en territoire occupé, à l’iniquité suprême, au système des responsabilités indirectes et collectives, à l’enlèvement de citoyens inoffensifs et notables qui répondaient pour tous. La loi du 10 vendémiaire an IV sur la responsabilité pécuniaire des communes, en cas de désordres, avait marqué un premier pas dans cette voie. Depuis longtemps, certaines administrations départementales saisissaient des otages, afin d’intéresser la population entière à la répression des troubles, et vantaient l’excellence du procédé. La loi du 24 messidor an VII ne fit que généraliser et régulariser cette méthode, en y ajoutant un luxe de raffinemens barbares.

Cette loi invitait les pouvoirs locaux, dans tout département qui aurait été déclaré par acte législatif en état de troubles, et elle les autorisait dans les autres, en cas de troubles imminens, à désigner des otages parmi les parens d’émigrés, leurs alliés, les ci-devant nobles, sauf certaines exceptions, et les ascendans d’individus notoirement connus pour faire partie des rassemblemens ou bandes.