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forme la plus aîguë[1]. Les élections dernières s’en sont ressenties ; sur les 34 membres actuels de la représentation galloise, 25 avaient inscrit dans leur programme la séparation de l’Église anglicane et de l’État et l’autonomie absolue de l’église nationale non conformiste. Portée aussitôt devant le Parlement, la proposition de disestablishment ne fut repoussée qu’à douze voix de majorité. Lord Spencer, M. John Morley, sir William Harcourt, Gladstone, particulièrement, l’appuyèrent. En 1891, quelques atténuations furent introduites au régime de la perception des dîmes : celles-ci ne devaient plus être réclamées directement à la classe besogneuse des fermiers et des locataires, mais aux propriétaires eux-mêmes. Ce biais ingénieux, s’il diminuait les risques de conflit, déplaçait seulement la question, le propriétaire, par une augmentation de loyer, pouvant se rembourser du surcroît de charges qui lui incombait. En 1895 enfin, à la première lecture et à une grande majorité, la Chambre des communes vota un projet de loi supprimant l’Église anglicane officielle dans le pays de Galles.

Mais cette concession, — non ratifiée d’ailleurs par la Chambre des lords, — venait trop tard. À trop reculer l’octroi du disestablishment, on avait laissé grandir les aspirations autonomistes de la principauté. Le clergé non conformiste, ici encore, fut le grand facteur de la rénovation. Né du peuple, il ne s’en est jamais écarté, lui parle sa langue, vit avec lui et de sa vie. Tout son effort est tendu vers la conservation du patrimoine national ; il n’en veut aliéner aucune parcelle ; il multiplie les écoles ; il fonde des revues et des journaux[2] ; il ressuscite les coutumes

  1. Le signal partit d’un petit village montagneux de 950 âmes, Llalarmon-yn-Jal. Appauvris par des pluies persistantes et de mauvaises récoltes, les contribuables devaient payer au recteur anglican une dime de 447 livres sterling. Une délégation fut envoyée au recteur pour le prier de réduire la dime en raison du mauvais état des récoltes. Le recteur refusa. Il ne consentit pas davantage aux délais qu’on sollicitait de lui. Intraitable, il menaçait de la justice, s’il n’était pas payé immédiatement. Cette attitude souleva l’indignation générale. L’anti-tithe-war gagna de proche en proche. Des rixes éclatèrent. Il fallut mettre la troupe sur pied. On ne vint à bout de la résistance qu’en déployant une sévérité inaccoutumée. — Sur toute cette Question des dîmes, qui a pris en Galles l’importance d’une question nationale, on consultera avec fruit l’article publié ici même par M. Julien Decrais le 1er octobre 1891.
  2. D’abord le Trysorfa Gwybodaeth (Trésor de la science kymrique}, — 1774 — et le Cylchgrawn Cymraeg (Revue kymrique) — 1793. De nos jours il faut citer Y Banner Cymru {la Bannière de Galles) : Y Genedl (la Nation) : Y Husern {le Fanal) ; Heddyw (le Quotidien); Y Cerdovr [le Chanteur); Y Geninen {le Poireau) ; Y Werin {le Peuple), etc. Il y a même un journal gallois pour enfans, le Cymru’r plant {l’Enfance galloise).