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Ce passé même n’est point littérairement si pauvre qu’on l’a prétendu. Si la littérature cornubienne ne peut être comparée à celle du pays de Galles, si beaucoup de ses monumens sont apocryphes, il en est d’autres qui valent qu’on s’y arrête. De ce nombre sont les « Mystères, » que M. Norris a publiés en 1859 et que l’on jouait encore, au témoignage de Richard Carrew et du docteur Borlas, jusqu’à la fin du VIIIe siècle, dans des amphithéâtres en terre battue et à ciel ouvert nommés plan ar guareou (lieu des jeux). Il y a toujours de ces plan ar guareou à Saint-Just, à Gwennap et à Saint-Piran. On les fait servir aujourd’hui à des meetings wesleyens. Les Cornubiens étaient restés catholiques jusqu’à la fin du VIIe siècle. Sans transition, d’un bloc, ils passèrent au méthodisme. Mais la substitution d’un culte à l’autre n’a pas modifié tant qu’on l’aurait cru l’état moral des Cornubiens : toute la rigidité du wesleysme s’est brisée, sans y mordre, sur l’âme même de la race, sur ce fond de mysticisme et de croyances superstitieuses qui est le patrimoine des peuples celtiques. Le Gornubien, comme le Breton de France, qu’il rappelle si étrangement, est resté en communication permanente avec l’au-delà. Il vit comme lui dans une sorte de familiarité douloureuse avec les esprits des morts ; il les consulte, il les entend et il les comprend. Ethniquement d’ailleurs, c’est toujours le même type aux cheveux noirs, aux yeux gris, à la face allongée, au teint brun et mat. Cette persistance de la race et du moral de cette race est d’autant plus significative que sur tous les autres points, langue, religion, etc., l’assimilation avec la race anglaise est complète. On ne voit point, par exemple, que les aspirations politiques des Cornubiens diffèrent sensiblement de celles des purs Anglo-Saxons. La représentation du pays, tant à la Chambre des communes qu’à la Chambre des lords, n’est pas seulement animée d’un loyalisme remarquable ; elle est aussi essentiellement et fervemment conservatrice[1]. Ce sont autant de raisons qui expliquent que le Cornwall ait pu se tenir jusqu’ici à l’écart du mouvement panceltique et qu’il y ait quelque témérité peut-être à essayer de l’y faire entrer. MM. Hobson Mathews et Jaffrennou ne craignent pas de s’y employer. J’ai quelque peine, pour mon compte, à partager leurs espérances dans une résurrection de la langue et de la conscience cornubiennes. Mais il y a une telle

  1. Sur huit membres de la représentation du Cornwal, deux cependant sont partisans du home-rule.