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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril.


Le budget est enfin voté ; les Chambres sont en vacances ; l’Exposition universelle est ouverte : c’est, dit-on, une période nouvelle. N’est-ce pas plutôt une période qui se prolonge dans des conditions un peu différentes ? On a pu espérer jusqu’au dernier moment que ce ne serait pas le gouvernement actuel qui présiderait à l’ouverture de l’Exposition universelle, et rien assurément n’aurait été plus désirable ; mais l’apathie des Chambres en a décidé autrement. Grâce à elle, le ministère subsiste, très diminué à coup sûr et moralement atteint dans ses œuvres vives ; mais enfin il est toujours debout, et c’est à lui que revient, comme un prix de persévérance, l’honneur d’être le grand maître des cérémonies au début de l’Exposition. Assurément, lorsqu’il s’est formé, on aurait bien surpris ses principaux membres si on leur avait annoncé qu’ils seraient encore au pouvoir au moment où nous voici parvenus. Mais, en France, tout arrive.

Pour le moment, nous devons être tout à la fête qui s’annonce, sinon tout à la joie. Il n’y a aucun inconvénient à faire trêve provisoire à nos divisions intérieures. Nous avons invité le monde entier à venir à Paris, et de tous les points du monde on a répondu à notre appel. Le succès de l’Exposition paraît devoir être plus grand encore que dans le passé. Jouissons du présent, sans trop oublier l’avenir. La présence même du cabinet actuel, quelque importune qu’elle soit, n’est pas le plus grand mal dont nous souffrons ; il n’en est que la manifestation extérieure, et, si le cabinet avait disparu dans quelque intrigue parlementaire, le mal n’en persisterait pas moins. Un jour ou l’autre, nous serons brusquement débarrassés des hommes qui nous gouvernent, et à coup sûr ce sera un bien ; mais nous ne serons pas guéris pour cela, et l’anarchie morale, que ce ministère a si fort augmentée, après en être sorti, ne se dissipera pas comme par enchantement. La situation a été si profondément gâtée et viciée qu’il faudra longtemps pour la rétablir et l’assainir. En attendant, laissons