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tyran sanguinaire, Manfred, une femme souffrante et résignée, deux pâles jeunes filles d’une beauté fantastique, et un revenant, le fantôme d’un géant, qui erre la nuit dans les corridors. Puis vient, en 1787, le Vathek de Beckford, imitation romantique des Mille et une Nuits ; et ce sont ensuite les terribles romans de Mrs Radcliffe, le Château d’Athlin (1789) et les Mystères d’Udolphe. William Godwin, dans Caleb Williams (1794), mêle à des scènes de nécromancie une enquête policière à la Gaboriau ; Lewis, dans son célèbre Moine (1795), imite tout ensemble Mrs Radcliffe et le marquis de Sade. En 1810, le poète Shelley publie un roman, Zastrozzi, où il renchérit sur les plus extravagantes inventions de Godwin et de Lewis. En 1814, Walter Scott fait paraître Waverley, et tous ces romans, « gothiques » et révolutionnaires, historiques et cosmopolites, disparaissent, s’abîment sous terre, cèdent la place au roman nouveau. Mais ils n’en ont pas moins rempli leur rôle historique ; et d’année en année, au cours du XIXe siècle, on les voit renaître dans l’œuvre des Dickens et des Edgar Poë, des Charlotte Brontë et des Thackeray, des William Morris et des Stevenson.


Je ne puis malheureusement pas songera suivre M. Cross dans son récit de cette glorieuse renaissance du roman anglais. Je ne puis pas même insister, comme je l’aurais voulu, sur certaines conclusions générales qui se dégagent de l’ensemble de son livre, et qui vaudraient bien, cependant, d’être signalées. Mais j’ai voulu seulement, aujourd’hui, montrer avec quelle conscience, et avec quel succès, il a appliqué à l’étude de son sujet cette méthode « évolutionniste, » qui a sur toutes les autres le précieux avantage d’être à la fois historique et critique, nous expliquant le vrai caractère des œuvres d’art par la comparaison de leurs origines et de leurs résultats.


T. de WYZEWA.