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Rembrandt, suffit à montrer combien l’élève est redevable au maître, pour le caractère des figures, la disposition de l’effet général, le choix des costumes et accessoires. Quelques morceaux naturalistes (1590-1656) de Gérard van Honthorst, toujours d’Utrecht (Gherardo della Notte), un Concert, un Homme accordant son luth, dans le goût de Caravage, nous rappellent qu’Honthorst fut, en effet, un imitateur passionné des réalistes italiens, le propagateur le plus actif de leurs doctrines dans son pays, où il rentra en 1622, et où son action coïncide avec celle de Frans Hals. Déjà, chez Cornelis van Poelenburg (1586-1667), d’Utrecht (Brusco ou Satiro en Italie), le dilettantisme se rapetisse et se spécialise. Le soin minutieux avec lequel il ajustait ses figurines, costumées ou nues, dans les paysages romains à la mode en fit le fournisseur attitré des petits cabinets d’amateurs. Parmi les tableautins, qui portent son nom au Louvre, le Pâturage, les Baigneuses, les Ruines du Palais des Empereurs, les Bains de Diane, les Nymphes et Satyre, assez variés dans leur apparente monotonie, peuvent encore justifier, jusqu’à un certain point, cette réputation excessive.

L’artiste supérieur de cette génération, celui qui, avec Esaias Van de Velde (non représenté chez nous), apporte, dans la peinture de genre historique ou familière, une initiative vraiment féconde, c’est Adriaan Van de Venne (1589-1662). Où trouver un ensemble de figurines plus fines, mieux observées, mieux entremêlées et troussées, que cette multitude de gentilshommes et de guerriers s’agitant dans son tableau allégorique, Fête donnée à l’occasion de la trêve conclue, en 1609, entre l’archiduc Albert d’Autriche, souverain des Pays-Bas, et les Hollandais ? L’allégorie y tient peu de place et s’y dissimule ingénieusement. Que de vérité, de vivacité, d’entrain dans le moindre acteur de cette scène où le peintre, vif et délicat, héritier alerte du vieux Breughel, double si gaîment le dessinateur précis et fin que ses illustrations des poètes hollandais vont bientôt rendre célèbre ! Van de Venne est né à Delft ; c’est la ville des dessinateurs consciencieux, le pays de Mierevelt, d’où vient aussi Palamedes (1661-1673) avec son beau Portrait de jeune homme, d’où sortiront plus tard les trois Mieris et, par exception, un grand harmoniste, Van der Meer.

C’est à Harlem, toutefois, que les petits peintres de la vie hollandaise, urbaine ou rustique, se montrèrent les plus nombreux