Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rarement réuni, il ne saurait être bien intéressant. Ce sont deux enfans, autour de qui se fait la politique et qui n’en font pas. Il y a au contraire, près du trône, deux hommes d’inégale importance, exerçant tous les deux une part du pouvoir : l’un, M. de Fleury, ancien évêque de Fréjus, se contente pour le moment de conduire l’esprit du Roi, dont il a été le précepteur et dont il reste le seul conseiller ; l’autre, Louis de Condé, duc de Bourbon, gouverne l’État et prend la parole devant l’Europe au nom de son maître.

Aucun choc n’a heurté l’une à l’autre ces deux puissances. C’est M. de Fréjus qui a fait donner le ministère à M. le Duc, au lendemain de la mort du Régent, sachant bien qu’aucun personnage ne pouvait lui porter moins d’ombrage. Ce prince de trente ans, d’intelligence ordinaire, remplace par une infatuation assez discrète l’expérience des affaires, qu’il est incapable d’acquérir. Quant au vieux prêtre, doucereux et poli, son ambition est sans mesure, sinon sans prudence ; il sait très sûrement qu’il prendra le pouvoir des mains de son élève, lorsque son heure sera venue ; mais il n’est point pressé : il a soixante-dix ans, et peut attendre encore, ayant attendu si longtemps.

Une idée principale domine la politique de M. le Duc et y donne, comme il arrive, une direction Tort opposée à celle qu’a suivie le précédent régime. La Régence, sans nuire aux intérêts de la France, a servi à grandir la maison d’Orléans. On rêve aujourd’hui de l’abaisser. Le mariage réalisé d’une fille du Régent, Mlle de Montpensier, avec le prince héritier d’Espagne, en échange de la promesse de mariage entre Louis XV et l’infante, a consacré l’étroite union des deux pays, chère au Grand Roi ; mais elle a été, pour la branche cadette de la maison de France, un triomphe d’ambition, suivi bientôt d’un autre succès, le projet d’union entre une seconde princesse, Mlle de Beaujolais, et cet infant Don Carlos dont on compte faire un duc de Parme. A côté de ces couronnes promises à des princesses d’Orléans, le très jeune âge de la petite infante maintient, pour de longues années encore, les chances de succession au trône de France en faveur du duc d’Orléans, premier prince du sang.

Le titre est porté, à l’heure actuelle, par un jeune homme de vingt ans dont le rôle reste assez effacé et qui, occupé de charité et d’affaires religieuses, promet d’être en contraste absolu avec -son père. S’il semble peu fait pour inspirer une grande haine, il