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ses débuts ; et il a été récompensé par un succès de meilleur aloi que celui de la Cloche engloutie. — MM. Sudermann et Halbe ont peint aussi volontiers leur province, et en furent d’ordinaire beaucoup mieux inspirés que par l’atmosphère de la capitale prussienne, où Holz a peut-être eu tort de se renfermer.

Il n’en est pas moins vrai que les parrains de la jeune école allemande sont les Français, avec les Russes et les Scandinaves. Et, si l’on songe que le théâtre d’Ibsen, sorti de celui de Dumas et d’Augier, n’est qu’un succédané du drame français, au moins quant à la forme, et cela de l’aveu même de MM. Steiger et Bartels ; que, d’autre part, Tourgueneff et Tolstoï doivent beaucoup à notre George Sand[1], on reconnaîtra que notre apport est prépondérant dans les matériaux fournis par la pensée européenne à la récente littérature germanique.

C’est ainsi que la France conserve sa suprématie littéraire dans le monde. Si, parfois, comme à toutes les époques de son histoire artistique, elle demande à ses voisins des inspirations fécondes, elle continue de leur restituer ses emprunts avec usure. Et, quel que soit d’ailleurs le jugement qu’on porte sur la valeur morale des mouvemens naturaliste et symboliste, il faut reconnaître que par eux, comme par tant d’autres manifestations de son génie national[2], notre pays garde un rôle éminent dans l’évolution intellectuelle de l’humanité.


ERNEST SEILLIÈRE.

  1. Voir Wladimir Karénine, G. Sand, sa Vie et ses Œuvres, 1899.
  2. Telle la section française de l’Exposition de Munich, en 1879, qui réveilla la peinture allemande.