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« J’écris, dit-il, comme prosateur, une phrase excellente, quand j’écris : « La lune se lève derrière les branches en fleurs « d’un pommier. » Mais, je serais choqué de sa forme, si on s’avisait de me donner cette ligne pour le début d’un poème. Elle n’en pourra tenir la place que si je la transforme ainsi. « Derrière les « branches en fleurs d’un pommier, se lève la lune. » Je le sens maintenant, son timbre est en accord avec son contenu. Et, pour faire voir distinctement à l’extérieur cette concordance, j’écris, en deux lignes :


Derrière les branches en fleurs d’un pommier — se lève la lune.


« Voilà toute ma révolution lyrique. Elle suffit pour donner un nouveau cours à la poésie. A peu près comme l’inversion suivante : la terre tourne autour du soleil, et non pas : le soleil autour de la terre, a suffi pour nous imposer une nouvelle conception du monde. »

Voilà donc le secret en trois mots : pour nous autres Français, il est découvert depuis Molière. Car M. Jourdain disait déjà : « D’amour mourir me font vos beaux yeux, belle marquise. » A vrai dire, il s’étonnait que ce fût même de la prose. C’était la poésie de l’avenir ! « Il y a, conclut Holz avec simplicité, une infinité de courans dans la jeune école naturaliste allemande. Mais, son point de départ est dans nos Voies Nouvelles (Papa Hamlet) ; son point d’arrivée, jusqu’à plus ample informé, est dans mon nouveau Phantasus. C’est un récent progrès sur le naturalisme, auquel il est inutile de donner un nom pour l’instant... Mon cas n’est ni comique, comme le pensent, suivant Bartels, les leaders de la littérature, ni tragique, comme le dit Mehring : il est tout naturel. Ç’a été, jusqu’ici, celui de quiconque ose devancer son époque... Et maintenant, je supplie que la critique m’écrase à son tour. Il apparaîtra assez que tous les marteaux qui s’abattent sur ma personne sont en carton peint. »

Par malheur, Holz ne nous a pas encore conté l’histoire détaillée de sa nouvelle évolution théorique[1]. Il se contente de nommer, à titre de précurseur, le poète américain Walt Whitman, qu’il se flatte d’ailleurs d’avoir dépassé, comme il le fit jadis

  1. Il vient cependant de publier, sous le titre de Révolution der Lyrik ; Berlin, 1899, un long mémoire justificatif en faveur de ses récens travaux poétiques. Mais on y trouve surtout une interminable polémique contre les journaux qui ont attaqué ses prétentions réformatrices.