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à ses conséquences extrêmes, Holz est arrivé à ses fins : l’essence de l’art consiste dans la reproduction exacte de la nature. Il avoue pourtant que cette exactitude ne sera jamais atteinte, parce qu’il est impossible de combler entièrement la lacune X. Un phonographe même, instrument que certains esprits irrévérencieux proposent parfois de substituer à l’écrivain naturaliste conséquent, ne reproduit pas parfaitement le timbre de la voix humaine. Et, là aussi, nous nous trouvons en présence de cette éternelle lacune que l’artiste doit sans cesse s’efforcer de diminuer.

Cependant, sa loi fondamentale étant formulée, Holz devait encore écrire la sociologie artistique projetée afin de tirer du principe établi par lui toute l’évolution de l’art. Je fus assez naïf pour l’essayer, dit-il, et il nous met sous les yeux la lettre ouverte à M. Zola qui devait servir de préface à cette œuvre monumentale. Cette épître est écrite dans un français très correct au début, mais que viennent gâter par la suite de nombreux germanismes[1]. L’auteur y félicite tout d’abord le romancier théoricien d’encourager les jeunes à le dépasser, à rectifier même au besoin son naturalisme, qui, de son propre aveu « est gangrené de romantisme jusqu’aux moelles. » C’était aussi le sens de la devise empruntée à M. de Vogué : et, en effet, il s’agit de corriger hardiment Zola, de le dépasser sans pitié, car Holz estime que le mouvement naturaliste n’est qu’à ses débuts, et va s’élargir sans cesse. N’est-il pas « l’intelligence même du siècle ? » Il importe seulement d’en dégager la vraie formule, et le réalisme verra Holz se constituer son défenseur contre les timidités de son prophète français. « Ce que vous n’avez pu que commencer, conclut la lettre-préface, notre évolution l’accomplit. Elle fait table rase de toutes les esthétiques qui courent les rues à cette heure, sans en excepter la vôtre. Aussi, je le crois, est-elle profondément moderne, en apportant la note naturaliste dans toute son intensité. »

Ainsi naquit le naturalisme conséquent, dont les destinées devaient être brillantes ; pour notre part, quelque peu agacé par les rodomontades de son père, nous ne pouvons nous empêcher de reproduire ici une page brillante d’un écrivain socialiste que

  1. On y trouve aussi quelques gallicismes un peu osés. L’auteur écrit, par exemple, avec une noble assurance : « Je suis sûr de mon coup : un jour, on nous reprochera également d’être des fils ingrats du naturalisme. »