Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/864

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les boutons d’argent de l’uniforme véritable, dirons-nous, proclame triomphalement notre théoricien, que cela provient du tempérament du gamin ? Non pas, car, si on lui avait offert, le jour de Noël, une boîte de pastels bien complète, nous reconnaîtrions sur son dessin les boutons d’argent, et aussi l’habit bleu, et probablement les paremens rouges. La lacune X en serait diminuée d’autant. Donc, ce qui fait d’abord défaut à l’enfant, ce sont les moyens d’exécution, les instrumens de travail. Toutefois, Holz veut bien convenir qu’il lui manque autre chose encore. Même avec cette ardoise, et ce crayon unique, un grand artiste, un Menzel se fût rapproché de la nature infiniment davantage : il eût grandement réduit l’importance de la lacune X. Donc, dans la création de l’œuvre d’art, à côté de la perfection des instrumens de travail, il convient de laisser un rôle pour l’habileté à s’en servir.

Et, déjà, la loi fondamentale de la sociologie artistique est découverte sans que nous nous soyons crus si près du but. Elle est exprimée par la définition suivante : « L’art a la tendance de redevenir la nature : il la redevient en proportion de la qualité des instrumens de reproduction employés, et de l’habileté dans leur maniement. »

On voit assez que le caractère propre de l’axiome si singulièrement établi, c’est la prééminence arbitrairement accordée aux instrumens de travail, au procédé technique : et telle sera bien la tendance de toute l’école du réalisme conséquent. Mais, d’autre part, sous peine de tomber trop évidemment dans l’absurde, l’inventeur est contraint de laisser la seconde place à l’habileté professionnelle : et, par cette fissure, le tempérament rentre en vainqueur dans la définition dont on a prétendu le chasser : car, malgré toute une vie de travail, l’écolier gribouilleur dont nous avons considéré l’œuvre ne deviendra pas nécessairement un Menzel : et si ce dernier, avec l’ardoise et le crayon, dessine un soldat réaliste et frappant, c’est qu’il a le tempérament d’un grand peintre.

Mais laissons notre auteur triompher sans arrière-pensée : « Si cette phrase, dit-il, est véritable, si elle exprime bien la réalité, elle jette par-dessus bord toutes les esthétiques du passé : et cela, sans appel, depuis Aristote jusqu’à Taine. Car Zola n’entre guère en ligne de compte, il n’est que le perroquet de ce dernier penseur. » Ainsi, parti du désir inconscient de pousser le naturalisme