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la mansarde glacée où sa femme et son enfant agonisent tous deux est d’une lecture véritablement pénible, qui fait naître le sentiment de répulsion voulu par l’écrivain. Mais, là encore, à nous autres Français, ces effets ne sauraient donner l’impression de la nouveauté, car Flaubert, Zola, Goncourt, Maupassant surtout dont l’influence a été grande en Allemagne, nous ont habi- tués dès longtemps à ces procédés. Il est juste de reconnaître cependant que, sous la plume de Holz et Schlaf, ce réalisme français, teinté de scandinavisme, revêt malgré tout une couleur plus nettement germanique qu’il ne l’avait fait jusque-là entre les mains d’imitateurs moins doués.

Aussi les auteurs de Papa Hamlet sont-ils à bon droit considérés comme ayant inauguré en Allemagne la période artistique, dite du réalisme conséquent, dont M. Bartels nous a retracé le règne court, mais brillant.

Peu après, les deux collaborateurs portèrent au théâtre leurs procédés de style. Mais, sur ce terrain, ils avaient été devancés, comme nous l’avons vu déjà, par leur disciple Hauptmann, et, dépourvue du mérite de la nouveauté, la Famille Selicke, qui fut jouée le 7 avril 1890 sur la scène libre de Berlin, y reçut un accueil assez froid. Fontane, cependant, le vieux romancier et critique influent dont l’esprit ouvert se montra sans cesse favorable aux hardiesses de la jeune école, écrivait le lendemain dans la Gazette de Voss ; « Cette représentation a dépassé l’intérêt des précédentes, parce que nous nous trouvons cette fois de la manière la plus certaine sur un terrain nouveau. En ce point les voies se bifurquent : ici le vieux se sépare du neuf. » Il ne faut pourtant pas prendre trop à la lettre cette appréciation bienveillante. Autant il est certain qu’Holz et Schlaf arrivèrent les premiers sur le terrain de la nouvelle, comme prophètes du réalisme allemand, autant il est évident qu’au théâtre, la même innovation était introduite avec ses traits essentiels depuis Avant le lever du soleil. Bartels ne compare la Famille Selicke qu’au plus faible de tous les drames de Hauptmann, la Fête de la paix : c’est pour donner, il est vrai, l’avantage au premier de ces morceaux. La pièce offre un tableau assez vivant d’un intérieur de la petite bourgeoisie berlinoise. Le libraire Selicke, qui réussit mal dans ses affaires et trouve peu d’agrémens dans son intérieur, se console par la boisson. Sa femme, dont la santé est usée, ne peut suffire à élever sa nombreuse famille. La providence de ce ménage, c’est