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Après ces effusions extatiques, la critique[1] serrée et tranquille de M. Bartels est un véritable repos. Les nerfs se fatiguent à la longue de l’état d’exaltation adoratrice où voudraient les maintenir certains dévots de la jeune école dramatique. Nous allons trouver dans ces pages sincères le jugement définitif qu’il est permis de porter sur l’œuvre actuelle de Gerhart Hauptmann et sur l’évolution de son talent. Là où M. Schlenther la laissait déjà involontairement pressentir, M. Bartels souligne, chez le jeune dramaturge, la faiblesse de l’imagination créatrice. En effet, toutes les pièces de Hauptmann semblent avoir un drame parrain, Pathenstueck, qui les inspira plus ou moins directement. Souvent aussi, il a repris des thèmes précédemment traités par lui-même, afin de les présenter sous une autre forme, et de les façonner à nouveau sous les yeux du spectateur. Il a copié, parfois même de façon trop transparente, des personnages vivans de son entourage. Enfin, il a, dans ses deux drames historiques, les Tisserands et Florian Geyer, suivi de très près les données fournies par la tradition écrite. En un mot, nécessité d’une matière fournie d’avance, presque d’un canevas préparé, tel est donc le point faible en son talent. Le côté fort, c’est une étonnante puissance d’observation, le don de trouver le détail révélateur, de peindre les symptômes, les phénomènes physiques qui accompagnent et trahissent les états d’âme et les particularités des caractères. Il éveille, de façon irrésistible, la sensation du milieu réel dans lequel se déroulent ses actions dramatiques, à ce point qu’on nomme, en Allemagne, « drames de milieu » ses productions les plus originales. Et cet ensemble de qualités a fait de lui le représentant le plus éminent de l’école qu’on est convenu de nommer, au delà du Rhin, celle du « réalisme conséquent. » M. Bartels dit excellemment : « Hermann Sudermann a débuté à peu près dans le même temps que Gerhart Hauptmann, et ce fut à lui que le succès alla tout d’abord. L’Honneur semblait le drame du jour, à meilleur titre que Avant le lever du soleil. La Fin de Sodome, de Sudermann, par ses peintures assez exactes de la décadence berlinoise, inspira même la conviction que son auteur était appelé à porter dignement la pensée moderne sur le théâtre. Heimat (Magda) fut considéré comme l’exposition d’un des problèmes essentiels du temps présent. Mais, quand on découvrit chez l’auteur

  1. Nous ne parlerons pas de la brochure de M. Woerner, qui n’ajoute que peu de chose aux conclusions des trois critiques que nous interrogeons.