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debout, et il semble même qu’aux yeux de ses compatriotes, sa réputation ait grandi de toutes les déceptions causées par ses rivaux, Lui seul demeure maintenant pour conquérir à sa patrie le laurier d’Apollon ! Nous verrons à quel point on lui sait gré de ses succès.

Pourtant, les socialistes lettrés persistent encore à placer un autre nom à côté du sien. MM. Ernst, Stroebel ou Mehring ne manquent jamais de lui rappeler ce qu’il doit au poète Arno Holz et de peser leurs mérites respectifs. Le dernier de ces critiques est encore revenu tout récemment sur ce vieux procès, qui n’est plus guère pendant qu’à ses yeux, mais que des raisons, plutôt politiques qu’artistiques, il est vrai, l’amènent à évoquer de temps à autre devant son tribunal littéraire de la Neue Zeit. M. Mehring a publié, dans ce savant recueil marxiste, des Excursions esthétiques, au cours desquelles il tente d’appliquer aux œuvres de l’art sa doctrine favorite, la conception matérialiste de l’histoire, c’est-à-dire, l’influence prépondérante des intérêts matériels dans le cours des choses humaines. Malgré ses efforts, cette théorie lui fournit peu de secours pour établir une fois de plus un parallèle entre MM. Hauptmann et Holz, puisque, partis du même point, J à la même époque, et dans le même camp, ils sont maintenant séparés l’un de l’autre par un si grand intervalle sur le chemin de la célébrité. A moins toutefois qu’il ne faille prendre au sérieux l’argument tiré de ce fait que l’un fit, dès sa première jeunesse, un riche mariage, tandis que l’autre a dû lutter sans cesse contre la nécessité et dérober plus d’une heure à l’art pour assurer le pain quotidien. Considération peu philosophique véritablement, lorsqu’il s’agit d’expliquer le développement d’un talent d’écrivain. Quoi qu’il en soit, sans s’aveugler jusqu’à méconnaître les dons exceptionnels de Gerhart Hauptmann, M. Mehring parle de lui en toutes circonstances avec la plus visible aigreur, tandis qu’en revanche, il n’a qu’encouragemens, consolations, exhortations amicales pour son émule moins heureux. La raison profonde de cette partialité inattendue est dans l’attitude politique des deux écrivains. Hauptmann, qui porte volontiers sur la scène le tableau de la misère sociale, a toutefois renié publiquement le socialisme, lors des débats judiciaires qui suivirent l’interdiction de son drame, les Tisserands. Holz, au contraire, à part son ouvrage de début, n’a rien écrit qui ait la moindre couleur politique : mais, par compensation, il a