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parvenir d’utiles avis, se préoccupa immédiatement de trouver quelques compensations au mécompte que celui-ci avait dû éprouver. Sachant que Victor-Amédée n’était pas insensible aux avantages pécuniaires, il se rappela fort à propos que des sommes assez importantes étaient dues depuis longtemps par l’Espagne à la Savoie en paiement de la dot de l’infante Catherine, fille de Philippe II. Il profita donc de cette audience et des assurances que Louis XIV lui renouvela « qu’il ne perdroit aucune occasion de procurer les avantages du duc de Savoie comme il l’auroit fait si le traité de partage avoit pu s’exécuter, » pour soulever la question de cette dot impayée. « Le Roi, écrivait-il à Victor-Amédée, répondit en souriant que les Espagnols sont assez méchans payeurs, mais qu’il ne laisseroit pas, à la première ouverture, d’interposer ses offices pour la satisfaction de Votre Altesse Royale[1]. »

La même pensée d’adoucir la mauvaise humeur de Victor-Amédée paraît avoir préoccupé Torcy, cet habile ministre des dernières années de Louis XIV, que l’histoire met moins haut qu’un de Lyonne ou un Louvois pour n’avoir point eu la bonne fortune de conduire les affaires de la France à l’époque brillante, mais qui, pour la dignité et la souplesse dont il fit preuve dans la période des revers, n’en mérite pas moins l’estime. Ayant été à la veille de signer avec Vernon un traité par lequel Louis XIV aurait abandonné partie de la succession, il ne devait pas se retrouver sans embarras en présence du négociateur de Victor-Amédée, alors que son maître avait gardé le tout. Aussi, dès les premiers jours, paraît-il avoir cherché de son côté une compensation, et, ne connaissant pas aussi bien Victor-Amédée que le président de la Tour, il s’adressait moins à ses intérêts qu’à son amour-propre et à son cœur. Per modo di conversazione, écrivait Vernon, il parla d’un mariage possible de la princesse Marie-Louise de Piémont, alors âgée de douze ans, avec le nouveau roi d’Espagne. Quelques jours après, il revenait sur ce sujet et demandait même l’envoi d’un portrait. Mais Vernon, incertain des intentions de son maître, accueillait l’ouverture avec réserve. Il écrivait cependant à Victor-Amédée qu’il avait le moyen « de cultiver cette idée auprès de Mme de Maintenon[2], » et demandait des instructions. Ces

  1. Archives de Turin, Lettere Ministri Francia, mazzo 125. Le président de la Tour à Victor-Amédée, 17 décembre 1700.
  2. Ibid., mazzo 128. Vernon à Victor-Amédée, 1er et 19 décembre 1700.