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de refuser, soit d’accepter, furent mises en balance, ceux qui penchaient pour l’acceptation avaient raison de dire que mieux valait faire la guerre pour le tout que pour la partie. Mais ici commence, de la part de Louis XIV, une nouvelle série de fautes. De nouveau les fumées de l’orgueil lui montent au cerveau et obscurcissent son jugement. Après avoir accepté le testament, il fallait rassurer l’Europe contre la crainte de la domination française. Il l’inquiète en faisant enregistrer par le Parlement des lettres patentes qui réservent les droits de Philippe V à la couronne de France. Il fallait isoler l’Empire en mettant les Pays-Bas et l’Angleterre hors du conflit. Il semble menacer les Pays-Bas en faisant occuper par ses propres troupes les places frontières où les troupes espagnoles tenaient garnison. Il soulève le sentiment national de l’Angleterre, dont le parlement vient de refuser à son souverain, frémissant de rage, les moyens financiers de prendre part au conflit, en reconnaissant après la mort de Jacques II le prince de Galles comme roi.

Enfin, comme si ce n’était pas assez de cette faute capitale, sur laquelle nous aurons à revenir et qui avait au moins l’excuse d’une certaine générosité, il n’a nul égard pour son faible allié, Victor-Amédée, qui est, lui aussi, frémissant de rage d’avoir vu lui échapper le Milanais. Il oublie les promesses répétées d’avoir à cœur les avantages particuliers du père de sa petite-fille. Il ne ménage ni les intérêts ni l’amour-propre de celui qui demeure toujours le portier de l’Italie, et, par une suite de maladresses ou de mauvais procédés, il l’accule ainsi à une trahison à laquelle Victor-Amédée n’était que trop naturellement porté, et dont les effets ne sont guère moins funestes que celle de 1690, car elle oblige la France à défendre tout à la fois sa frontière des Alpes et sa frontière du Nord. Cette faute de Louis XIV est peu connue. Ce petit coin du grand tableau est demeuré obscur. Nous avons entrepris d’y porter la lumière malgré la difficulté de percer les ténèbres dont Victor-Amédée aimait à s’entourer. Nous sommes assurés du moins de n’être guidé par aucun autre esprit que l’impartiale recherche de la vérité.


III

« Mon frère et neveu, je suis si persuadé de votre attachement à mes intérêts que je ne puis douter que vous n’appreniez avec