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faire de nouvelles avances de fonds, combien ont fait venir en Calédonie, qui un frère, qui un ami, moins pour les associer à de brillans bénéfices que pour augmenter les chances de réussite en unissant leurs capitaux, combien enfin vivent tant bien que mal, sont endettés et menacés de ruine si de bonnes récoltes de café, suivies d’une vente avantageuse, ne viennent pas les sauver. Il serait plus délicat encore de chercher à savoir si quelques colons, tout en cultivant leurs terres, ne vivent pas en réalité des faveurs de l’administration, soit en bénéficiant d’une licence pour la vente de l’alcool, soit en devenant fonctionnaires à un titre quelconque, aux dépens parfois d’un ancien titulaire congédié, si d’autres encore ne sont pas devenus des commerçans ou des employés. En admettant d’ailleurs qu’il y ait des colons mécontens, — la lecture des journaux permet de le supposer, — quel moyen auraient-ils de faire parvenir jusqu’à Paris leurs doléances ? S’ils se plaignent tout haut, ils risquent de perdre leurs titres à la bienveillance de l’administration, d’être exclus de la catégorie des « bons citoyens » dont parlent si souvent les documens officiels et classés parmi les « adversaires de la colonisation libre. »

Voici le colon installé sur une concession fertile ; il a dépensé au moins 5 000 francs ; il a le bonheur, au bout de quatre ou cinq ans, d’obtenir une abondante récolte. Il lui faut encore faire cueillir son café, et là se pose la question complexe de la main-d’œuvre, sur laquelle nous devrons revenir ; puis il faut le transporter à Nouméa. Un double service de bateaux à vapeur fait le « tour de côte »[1] et dessert la plupart des centres de population et de culture ; mais beaucoup de plantations sont relativement éloignées de la mer et il est souvent difficile de transporter les cafés jusqu’au port. La Nouvelle-Calédonie n’a qu’une seule bonne route, à peine achevée, de Nouméa à Bourail, le long de la côte ouest ; le reste de l’île n’est sillonné que par des sentiers muletiers ou de simples pistes. Le Conseil général, en votant, dans sa session de l’automne 1898, un emprunt de 10 millions de francs, a décidé d’en consacrer la moitié à la construction d’un chemin de fer le long de la côte ouest[2]. A coup sûr, ce chemin de fer, une fois fait, rendra des services ; mais ne serait-il pas sage d’achever

  1. Le prix du fret varie, à l’aller, de 10 à 26 francs par tonne ; au retour, il est uniformément de 10 francs.
  2. Voyez la brochure : Emprunt de dix millions, publiée par décision du Conseil général (10 décembre 1898, Imp. calédonienne).