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où ils ont déjà pris possession d’Hawaii. L’ouverture d’une ligne de paquebots rapides entre San-Francisco et Papeete augmenterait certainement les transactions, déjà relativement considérables, de notre colonie avec les États-Unis, mais diminuerait aussi certainement le commerce avec la France[1] : aussi s’explique-t-on qu’une compagnie américaine ait offert d’établir ce service moyennant une faible subvention. Nos colonies du Pacifique, sans lien direct entre elles, se trouveraient, pour ainsi dire, coupées en deux ; les unes, comme la Nouvelle-Calédonie, regardant vers la France par l’ouest ; les autres orientées par l’est vers les Etats-Unis. Tahiti deviendrait une annexe économique de l’Union.

Il en irait tout autrement si, au lieu de relier Tahiti à l’Amérique, on l’unissait plus directement à la France et à la Nouvelle-Calédonie. Il est étonnant que nos colonies du Pacifique oriental ne soient rattachées à la métropole par aucun service régulier à vapeur[2]. Il serait facile d’établir une ligne dont les bateaux correspondraient à Nouméa avec ceux des Messageries et qui, de quatre semaines en quatre semaines, assurerait, en vingt ou vingt-cinq jours, le service de la poste, des voyageurs et des marchandises entre Nouméa et Tahiti, en faisant escale, soit à l’aller, soit au retour, aux Wallis, aux Tonga, aux Samoa. Le « transport direct » des ports français jusqu’à Tahiti étant ainsi assuré, un régime douanier, plus avantageux aux produits de la métropole, tout en tenant compte des besoins locaux, pourrait être mis en vigueur et appliqué régulièrement. Ainsi serait établie la soudure commerciale et économique de nos colonies océaniennes entre elles d’abord, avec la France ensuite.

Tahiti, où habitent près de 3 000 Français, et nos archipels polynésiens cesseraient d’être dans la dépendance économique

  1. . Déjà les chiffres sont singulièrement éloquens et se passent de commentaires :
    Tahiti — Année 1898.
    Francs.
    Importations 2 997 147
    Exportations 2 960 334
    Commerce total avec les États-Unis 2 299 380
    — — la Nouvelle-Zélande 1 169 184
    — — la France et ses colonies 812 109
    — — l’Angleterre 498 524
    — — les Açores 371 823
    — — la Russie 134 450
    — — l’Allemagne, etc 134 331
  2. Trois fois par an, des voiliers de Bordeaux viennent à Tahiti ; tous les cinq mois, un transport de l’État fait la relève de la garnison et des fonctionnaires.