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La Nouvelle-Calédonie est l’un des anneaux essentiels de cette chaîne d’îles innombrables qui semble relier, à travers le Grand Océan, l’Asie et l’Australie avec l’Amérique ; la France a planté son drapeau sur plusieurs de ces îles : les Wallis, les îles de la Société, les îles Sous-le-Vent, les Marquises, les Touamotou, les Tubuaï et les Gambiers ; de ces nombreuses possessions, les unes sont de simples attolls de corail, avec leur lagune centrale et leur maigre couronne de cocotiers, mais d’autres ont une réelle valeur économique ; toutes, d’ailleurs, peuvent nous être précieuses : elles jalonnent une route française de navigation au milieu du Pacifique.

Il suffirait, pour nous édifier sur l’importance de ces possessions lointaines, de voir, autour de nous, avec quelle âpreté Anglais, Allemands et Américains se sont disputé les îles Samoa.

Si l’on arrive d’Europe par Sydney ou par le détroit de Torrès, si l’on vient de Saigon ou de Haïphong pour pénétrer dans le monde océanien, la première terre française que l’on rencontre, c’est la Nouvelle-Calédonie ; elle est aussi, de nos possessions du Pacifique, la plus grande, la plus riche, la plus peuplée d’Européens. Il semblerait naturel et utile que toutes les petites îles françaises égrenées en chapelet parmi les récifs du Grand Océan cherchassent à se lier à la plus grande, à se grouper autour d’elle comme autour d’une petite métropole ; or, les paquebots des Messageries maritimes, qui apportent toutes les quatre semaines à Nouméa les nouvelles de la patrie lointaine, ne prolongent pas leur voyage plus à l’est ; aucun service régulier à vapeur ne relie entre elles, ni avec la France, nos colonies polynésiennes ; il faut, pour parvenir à Tahiti, prendre à Sydney la ligne anglaise via Auckland. La colonie de Tahiti se plaint depuis longtemps d’un pareil état de choses et demande au gouvernement de subventionner les Messageries maritimes, pour qu’elles établissent un service de San-Francisco à Papeete[1]. Une telle solution serait pire, au point de vue des intérêts français, que l’isolement : outre qu’un service mensuel comportant un parcours de près de 4 000 milles sans escales, entre San-Francisco et Tahiti, ne pourrait être assuré que moyennant une très grosse subvention, cette ligne aurait le grave inconvénient de favoriser, à nos dépens, les désirs d’expansion économique et coloniale des Etats-Unis dans le Pacifique,

  1. Il existe déjà un service américain par voiliers, avec escale à Nouka-Hiva.