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Mais il est évident qu’aucun État neutre ne répond des enrôlemens individuels. Le gouvernement portugais, malgré toute sa bonne volonté, ne put pas empêcher, dans la seconde quinzaine de décembre, quelques déserteurs du croiseur Adamastor d’aller à Pretoria pour servir comme artilleurs chez les Boers. L’ancien colonel français de Villebois-Mareuil partit de Marseille le 26 octobre pour aller prendre un commandement dans l’armée des deux républiques, sans que le gouvernement français eût à s’en mêler. Ce gouvernement n’a pas d’explications à donner, parce qu’un certain nombre d’anciens artilleurs français, partis à leurs risques et périls, se trouvent en ce moment à Pretoria. Le gouvernement russe n’eut aucun moyen de retenir le colonel Gourko, qui s’embarqua le 25 décembre à Marseille sur le Natal, des Messageries maritimes, pour se rendre au Transvaal par Lourenço-Marquès. Si le gouvernement italien peut défendre à Ricciotti Garibaldi de recruter un régiment de volontaires dans la péninsule, il ne saurait l’empêcher de mettre « son épée » à la disposition du gouvernement britannique.

Le 31 octobre, les journaux français annoncèrent que 3 000 mulets avaient été, dans l’espace de huit jours, embarqués dans les ports italiens pour le compte de l’Angleterre à destination de l’Afrique australe. La Liberté soutint et pouvait soutenir, en effet, que le territoire italien devenait, par cette fourniture colossale, une base d’opérations contre les deux républiques. On télégraphiait, presque à la même date, de la Nouvelle-Orléans au Daily Mail : « Quatre officiers anglais ont, depuis trois mois, acheté à la Nouvelle-Orléans plus de 7 000 mulets, et 7 steamers ont été affrétés pour les transporter dans l’Afrique du sud[1]. » Si les Boers s’étaient plaints, le gouvernement fédéral n’aurait pas manqué de répondre que la plupart de ces commandes étaient antérieures à l’ouverture des hostilités. C’est ainsi que M. Silvela, questionné dans les Chambres espagnoles, le 27 janvier, expliqua l’achat, fait par l’Angleterre, de 60 000 obus fabriqués à l’usine de Plasencia (provinces basques). Le même ministre s’est tiré par une autre réponse évasive d’une autre question posée sur la vente de cartouches Maxim à l’Angleterre par la même manufacture d’armes (13 février). Il est on ne peut plus difficile de déterminer où commence, où finit l’abus du territoire neutre.

  1. Les télégrammes du 15 février annoncent un nouvel achat de 2 500 mules fait à la Nouvelle-Orléans par des agens anglais.