à ses amis politiques, s’associerait comme simple citoyen à leurs plus hardies entreprises et prendrait dans le parti son rang de combat[1].
A défaut d’un coup d’État par le sabre, les Jacobins se mirent à comploter un coup d’État parlementaire. Dans le conseil des Cinq-Cents, comme nos nouvelles défaites avaient porté au comble l’irritation des esprits, une majorité paraissait se reformer contre le Directoire. Les chefs du parti voulurent profiter de cette disposition ; leur projet couva deux ou trois jours et éclata tout d’un coup. Le 27 fructidor-13 septembre, le conseil est en séance ; l’ordre du jour appelle la discussion des dépenses affectées à l’entretien du Directoire ; brusquement, Jourdan monte à la tribune et, par motion d’ordre, demande que le conseil déclare la patrie en danger. Paroles d’épouvante, mots évocateurs d’un passé terrible ! D’après le précédent de 1792, si le décret était voté, il suspendrait le régime constitutionnel, légitimerait le recours aux mesures extraordinaires et aux moyens atroces, mettrait en ébullition tous les élémens de désordre, achèverait de jeter le pays en convulsions ; ce serait une machine à briser le gouvernement. Sept ans plus tôt, les meneurs de la Législative s’en étaient servis pour renverser le trône autant que pour écarter l’étranger de nos frontières ; deux députés aux Cinq-Cents en convinrent dans la discussion, l’un s’en fit gloire ; il s’agissait aujourd’hui de retourner cette arme contre la république directoriale et surtout contre Siéyès l’orléaniste.
Jourdan développa sa motion avec une éloquence frénétique. Dès qu’il a cessé de parier : « Aux voix, aux voix, » crient ses amis, et ils s’efforcent de surprendre, d’enlever le vote. Des orateurs modérés veulent répondre et se dirigent vers la tribune. Cinquante Jacobins s’élancent à la fois pour leur barrer le passage, les poings en avant. On en vient aux coups ; on se bat littéralement autour de la tribune, on se bat à la tribune : « Lesage-Senault prend au collet Villetard qui y était monté et le force à descendre. Marquezy, Blin, Lesage-Senault, Soulihé, Destrem, Chalmel, Quirot, Bigonnet, Augereau forcent Bérenger de descendre de la tribune et empêchent Chénier d’y monter ; » c’est une lutte de portefaix entre législateurs en toge. A voir ces brutalités effrénées auxquelles s’exerçaient les députés jacobins, ces
- ↑ Notice de Jourdan.