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dans les départemens de la Bretagne, de l’Anjou et du Maine, si la chouannerie était en pleine recrudescence, si l’association des chouans, dont la structure présentait quelques rapports avec celle de l’organisation jacobine, tenait tout en alarmes, si les surprises de détachemens républicains, les attaques de convois, les arrestations de diligences et de courriers s’opéraient « régulièrement, » la guerre par masses organisées n’avait pas repris. Le prétendant hésitait à donner le signal avant que les armées de la coalition fussent en France ; le Comte d’Artois se laissait annoncer partout et ne se montrait nulle part ; les subsides de l’Angleterre se faisaient attendre.

L’état-major des armées catholiques et royales s’était pourtant reconstitué : vers la fin de l’été, une grande réunion se tint près de la Loire, dans la profonde forêt de Juigné, sous la garde de douze cents paysans ; l’insurrection générale fut décidée pour le 22 vendémiaire-15 octobre, entre l’achèvement des récoltes et les nouvelles semailles. Les chefs de marque se réservèrent chacun un champ d’action particulier : Cadoudal le Morbihan, Frotté la basse Normandie, Suzannet la Vendée ; d’Autichamp, Châtillon et Bourmont agiraient sur les deux rives de la Loire. Il ne fallait plus compter, notamment en Vendée, sur l’enthousiasme profond d’autrefois ; la force réactionnaire s’était usée en Vendée, comme ailleurs la force révolutionnaire ; néanmoins l’ardeur des chefs, la solidité des cadres, l’habitude d’obéir à l’impulsion venant de droite, entraîneraient le peuple. L’insurrection se prépara presque ouvertement ; depuis le Bocage vendéen jusqu’à la basse Seine, les bandes se multipliaient, grossissaient à vue d’œil, risquaient de plus hardis coups de main et terrorisaient les autorités ; les agens du Directoire voyaient très nettement s’amonceler l’orage, annonçaient une nouvelle guerre de l’Ouest et la signalaient imminente.


III

Pressé de dangers, assailli de difficultés, ce misérable gouvernement ne songeait jamais à se rallier par des mesures de réparation et d’apaisement la masse des citoyens, ceux qui n’étaient d’aucun parti. Il ne lui venait pas un seul instant à l’idée d’être juste, hardiment modéré, de réformer les lois sur l’émigration et sur les cultes, de briser ces instrumens de torture, de répondre