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sa chute. Il n’a plus tout à fait la même assurance qu’il y a quelques semaines. Des vérités très dures lui ont été dites, et l’opinion publique l’abandonne de plus en plus. De toutes les raretés que l’Exposition universelle offrira aux étrangers étonnés, sa composition et sa durée paradoxales seraient certainement les plus extraordinaires ! Mais des raisons plus graves font croire qu’un ministère, qui n’aurait jamais dû naître, est menacé d’une fin prochaine. Des projets de loi comme ceux dont nous avons parlé sont une alarme pour les consciences. L’inquiétude est partout. Les élections partielles montrent au jour le jour les progrès que font les partis extrêmes à l’exclusion de tous les autres : d’une part, les radicaux socialistes qui représentent la politique ministérielle, et, de l’autre, les nationalistes qui, sous un nom élastique, représentent le mécontentement contre cette politique, mécontentement poussé au point qu’on en préfère toute autre, n’importe laquelle, pourvu qu’elle soit différente, ou plutôt contraire. Les partis intermédiaires disparaissent. Il y a là un danger qui commence à frapper tous les esprits un peu sagaces, un peu prévoyans. Ici, on a excité des ambitions et des espérances illimitées ; là, des inquiétudes et des colères qui ne le sont pas moins : entre les deux, il n’y aura bientôt plus rien. Le ministère actuel a achevé la destruction des anciens partis qui se faisaient plus ou moins équilibre et maintenaient le gouvernement dans les régions modérées : on commence à voir distinctement ceux qu’il a appelés à les remplacer. Ce sera son œuvre historique d’avoir fait faire au socialisme un pas de géant, et de n’avoir mis en face de lui que le nationalisme, c’est-à-dire le syndicat des mécontens. M. Ribot avait bien raison de dire, à la fin d’une discussion récente, que la tâche de ses successeurs serait difficile.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIÉRE.