Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus difficile de l’abroger. » Et il ajoute, avec un peu d’illusion sans doute : « Un souffle de réaction peut emporter une loi spéciale dans son ensemble et dans ses détails ; il est fort probable que la même réaction respecterait le code. » L’ancien code, oui ; il résisterait certainement dans son ensemble ; mais pourquoi une réaction politique respecterait-elle en lui plus que partout ailleurs ce qu’une autre réaction politique y aurait introduit ? Le bon sens indique, dirons-nous à notre tour, qu’elle ne s’arrêterait pas devant le code civil avec la vénération superstitieuse qui ne peut appartenir qu’à un légiste. Si on veut que le code continue d’être respecté, il faut le respecter soi-même, et ne pas en faire le réceptacle banal de tout ce que les passions du jour peuvent enfanter en fait de textes législatifs. S’il est violé une fois, il le sera plusieurs. Peut-être M. Brisson aperçoit-il quelques-unes de ces conséquences ; mais il se console en affirmant que si, par impossible, — pourquoi par impossible ? — la réaction s’attaquait aux « principes fondamentaux» qu’il se propose démettre dans le code, c’est-à-dire en lieu sûr, « l’éveil serait mieux donné, la résistance plus forte. « Nous ne discuterons pas la réalité de cette espérance, faute d’en bien comprendre le motif.

Quels sont donc les principes fondamentaux à insérer dans le code civil ? D’abord celui-ci : « Les associations qui n’auraient point été constituées conformément aux lois générales ou spéciales n’ont ni existence légale, ni personnalité juridique. » Nous ne reproduisons pas la suite de l’article, il est trop long ; M. Brisson n’a pas, comme M. Waldeck-Rousseau, le secret d’une brièveté élégante. M. Waldeck-Rousseau, dans son projet, procède par raccourcis d’artiste et souvent par sous-entendus ; M. Brisson y va plus bonnement, il étale davantage et quelquefois même il allonge. En somme, son premier article consiste à dire que les associations de fait et non de droit n’ont ni existence légale, ni personnalité juridique, et qu’elles ne peuvent ni posséder, de quelque manière que ce soit, ni ester en justice. Cela est si évident qu’à peine valait-il la peine de l’énoncer, et nous répétons que les associations dont il s’agit n’ont aucune de ces prétentions. Sa seconde proposition consiste à considérer comme provenant d’une cause illicite toutes les conventions qui auraient pour but, soit de former une association prohibée, soit d’en assurer le maintien et d’en empêcher la dissolution, etc., etc. Cela est déjà plus grave. Le mot de cause illicite, qui figurait déjà dans le projet du gouvernement, est menaçant et inquiétant. Nous avons vu qu’il y a beaucoup de congrégations qui vivent en marge de la loi, et dont le gouvernement connaît et