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par leurs actes, de la façon la moins équivoque, qu’ils ne voulaient pas descendre eux-mêmes dans l’arène et se mettre à la remorque d’un belligérant. Au contraire, il serait difficile d’approuver le Japon, s’il a réellement, comme le lui reprochent les télégrammes du 12 février, permis à l’Angleterre de prendre dans la maison Armstrong quatre canons à tir rapide qu’il avait commandés pour son propre compte.

Mais ce qu’on ne fait pas soi-même, on peut le laisser faire, et non seulement le tolérer, mais l’encourager. Il y a vingt modes de coopération indirecte qui valent une coopération directe. L’Etat qui veut écarter tout soupçon de coopération indirecte peut enchaîner ses nationaux par diverses mesures prohibitives ; c’est une simple faculté dont il use, s’il trouve un intérêt quelconque à marquer d’un trait énergique sa ligne de conduite, par exemple à ne laisser aucun prétexte aux réclamations d’un belligérant. C’est ainsi que, depuis le commencement des hostilités, le Portugal, tremblant pour ses possessions de l’Afrique orientale, met tout en œuvre pour dissiper les soupçons de l’Angleterre. Il prit une mesure particulièrement significative en refusant, le 25 janvier, des billets de chemin de fer pour le Transvaal à trente Français transportés à Lourenço-Marquès par la Gironde. Le consul français le prit d’assez haut et finit par faire rétracter cette mesure. Les autorités portugaises autorisèrent alors les consuls à signer les demandes de passeport de leurs nationaux, quand ceux-ci donneraient l’assurance qu’ils se rendaient au Transvaal pour leurs affaires et non pour s’engager dans les armées des deux républiques. Mais elles craignirent de s’être aventurées. Tout au moins, depuis le 1er février, les consuls devront « personnellement » garantir que les solliciteurs ne sont pas des militaires allant au Transvaal ; autrement, les passeports seraient refusés.

L’Allemagne a témoigné d’une façon plus éclatante encore, si je ne me trompe, son désir de garder la plus stricte neutralité. Tandis qu’elle avait laissé ses grandes usines vendre des armes aux belligérans pendant la guerre de Crimée, pendant la guerre de Sécession, pendant la guerre turco-russe de 1877, elle a pris cette fois une autre attitude. Tous les journaux avaient publié la dépêche suivante, datée de Berlin (22 décembre) : « Depuis quelque temps, une activité fiévreuse règne à Essen, où l’on travaille jour et nuit. Les indiscrétions du personnel ne laissent aucun doute