ne demanderait pas mieux que d’aller droit devant lui, menant son drame d’une allure rapide et décidée. Mais à peine s’est-il mis en route, il voit venir à lui toute sorte d’idées de détail, dont il ne repousse aucune, mais pour lesquelles il trouve tout de suite un arrangement curieux et amusant. Ces scènes, qui sont des trouvailles d’invention habile, abondent dans l’Aiglon. C’est la scène du tailleur déballant ses costumes et, au cours de son boniment, faisant comprendre au duc qu’il apporte dans son ballot un plan d’évasion tout prêt pour le prince après qui soupirent les Jeune-France. C’est la leçon d’histoire où l’élève, interrompant ses maîtres ébahis et apeurés, leur récite toute une année d’exploits de son père l’Empereur. C’est l’arrivée de Fanny Essler, qu’on a mise auprès du prince pour le distraire, et qui lui apporte les bribes qu’elle a pu recueillir de l’histoire de Napoléon. Ce sont les lettres d’amour que le prince déchire d’un si joli geste lassé. Ce sont les soldats de bois que Flambeau a peints en grenadiers, en vélites, en hussards. C’est Flambeau tirant de sa poche, de ses poches, de toutes ses poches, les objets fabriqués à l’image du roi de Rome : le mouchoir, la pipe, l’assiette, le coquetier. C’est la glace du fond de laquelle les princes de la maison d’Autriche regardent le fils de Marie-Louise. C’est le berceau du roi de Rome, qu’une antithèse rapproche du lit où agonise le colonel autrichien. Peut-être y avait-il des choses plus significatives, plus profondes, plus graves dont nous eussions aimé qu’on nous parlât. Attendez que le duc ait fini de compter, en les rangeant, ses soldats de bois. Attendez que Flambeau ait fini de tirer de ses poches à surprise le mouchoir et la pipe, l’assiette et le coquetier. Nous attendons si bien que le moment est venu de finir la pièce, qu’on ne nous a donné presque rien de l’essentiel, mais qu’en revanche, on nous a amplement gratifiés de bibelots curieux, de menus bijoux et d’objets d’étagère du plus joli travail.
Un autre don qu’on ne songe guère à refuser à M. Rostand, mais duquel on ne saurait trop lui signaler le danger, c’est son abondance verbale. Rappelez-vous de combien de manières différentes Cyrano s’avisait tout de suite pour déguiser cette simple phrase : « Vous avez un grand nez. » Ces ressources d’expression tiennent vraiment du prodige, et elles constituent pour l’écrivain qui en est à la fois doué et affligé une sorte de piège contre lequel il faut sans cesse qu’il se tienne en défiance. La tirade partout embusquée le guette. Tirade sur un prince prisonnier ou sur les parfums d’une nuit de printemps, sur un champ de bataille, sur un drapeau, sur un berceau, tirade à propos de n’importe quoi dans la bouche de n’importe qui. La tirade de Metternich