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point de départ de la série de phénomènes nerveux aboutissant finalement à l’acte fonctionnel qui ferme le cycle. La première manifestation organique qui apparaît est considérée par le physiologiste comme le primum movens ou le stimulant de l’enchaînement nerveux.


Que ce soit en tant qu’activité organique ou en tant qu’agent physique, le stimulant appartient donc toujours au monde matériel. On peut aller plus loin. Le principe de l’unité des forces physiques et la théorie cinétique permettent de confondre sous les diverses formes de l’activité mécanique tous les phénomènes objectifs. On a donc affirmé que toutes les stimulations fournies aux organes sensoriels étaient essentiellement identiques et, pour ainsi parler, homogènes entre elles.

Lorsque l’on parle de la chaleur, de l’électricité, de la lumière, du son, comme d’autant d’agens divers susceptibles d’agir en tant que stimulans du système nerveux, on emploie donc un langage conventionnel, s’il est vrai que le monde objectif soit la proie de la mécanique, et que tout n’y soit que mouvement. La chaleur, l’électricité, la lumière, le son, les actions chimiques étant supposés être des modes vibratoires particuliers, sont essentiellement identiques. Ces vibrations ne se distinguent évidemment entre elles que dans la mesure dans laquelle des mouvemens peuvent se distinguer, c’est-à-dire par la masse, la vitesse et la forme des trajectoires. Ces différences n’établissent pas entre ce que nous appelons les agens physiques une distinction de nature ou une diversité spécifique, mais seulement des différences quantitatives. Ce n’est que dans notre for intérieur, par la perception, qu’ils deviennent dissemblables et spécifiquement distincts. L’hétérogénéité est donc le fait de la perception, le résultat de l’intervention de la conscience.

Les philosophes ont aperçu cette vérité, et Kant lui a donné l’expression la plus nette et la plus forte. Mais la science vient en quelque sorte la consacrer et l’expliquer en la revêtant de formules plus concrètes. Le même agent physique provoque dans le sensorium des réactions dont la nature dépend de l’organe qui l’a recueillie et du point de l’écorce cérébrale où vient aboutir l’excitation. « Les divers organes des sens, soumis à un même agent physique, l’électricité, lui répondent de manière différente, la langue par des saveurs, le nez par des odeurs, la peau par des