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proposée par divers publicistes, elle n’a pas été généralisée, en fait, par le droit international positif. En fait, le droit de visite n’est pas exercé généralement dans toute sa rigueur contre les paquebots-poste qui portent des dépêches ; mais M. Mœller avait raisonné, dans son interpellation, comme si ces bâtimens étaient universellement et légalement inviolables. M. de Bulow dut se borner à répondre : « Nous avons fait observer qu’il serait hautement désirable que le gouvernement anglais avisât les commandans de ses vaisseaux de ne pas arrêter les vapeurs naviguant sous le pavillon allemand de la poste. Ce gouvernement a envoyé des instructions pour que ces paquebots ne fussent pas retenus et visités sur une simple suspicion. Ces instructions resteront en vigueur jusqu’à ce qu’intervienne un autre arrangement entre les deux puissances[1]. »

Le bâtimens neutres peuvent être arrêtés, visités ou saisis dans les eaux des belligérans ou dans la haute mer. Mais les belligérans commettraient une violation du territoire s’ils se livraient à ces opérations dans les eaux territoriales d’un État neutre. Un journal français a blâmé la Magicienne, croiseur anglais, d’avoir arrêté le Cordoba, vapeur français, à soixante-dix milles de Lourenço-Marquès. Mais c’était donner une extension démesurée à la mer territoriale portugaise[2].

Toutefois les Anglais ont, au cours de la guerre actuelle, incessamment méconnu cette règle élémentaire du droit international. Le 2 novembre 1899, un vaisseau de guerre anglais, dans la baie de Delagoa, tira sur un voilier qui était entré dans le port sans arborer son pavillon. On se demanda naturellement à Lisbonne de quel droit l’Angleterre faisait la police dans un port de Portugal[3]. Le duc d’Almodovar exposa le 5 décembre 1899 à la

  1. Le Herzog était aussi dans une situation particulière parce qu’il transportait une ambulance allemande. Mais il transportait en même temps, d’après l’Allgemeen Handelsblad (Amsterdam), le lieutenant hollandais Keulemans qui se rendait dans l’Afrique Australe pour combattre avec les Boers et qui fut retenu prisonnier par les Anglais.
  2. L’Institut de droit international adopta la règle suivante dans sa session de Paris : « La mer territoriale s’étend à six milles marins de la laisse de basse marée, sur toute l’étendue des côtes. » M. de Martens ne put obtenir que cette zone fût étendue à dix milles. Toutefois l’Institut ajouta : « En cas de guerre, l’État riverain neutre a le droit de fixer, par la déclaration de neutralité ou par notification spéciale, sa zone neutre au-delà de six milles, jusqu’à portée du canon des côtes. »
  3. L’incident n’eut pas de suites, parce qu’il se trouva que ce voilier était précisément un navire anglais.