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tout d’une traite à sa destination. Le mot de centre nerveux n’a réellement pas d’autre signification que celle-là : station intermédiaire sur la route de l’agent nerveux[1].

On ne peut mieux faire, pour donner une idée des communications nerveuses, que de les comparer au réseau téléphonique d’une grande ville. Les abonnés, fussent-ils très voisins l’un de l’autre, ne peuvent entrer en communication directe : ils sont obligés de recourir au poste central. Et l’on voit ainsi des messages qui pour se rendre d’un étage à un autre de la même maison, doivent faire un long détour par la station. Un tel trajet est un véritable réflexe téléphonique. Il en est de même pour le message nerveux parti de l’organe sensoriel. Ce n’est qu’après une station obligatoire dans le poste central, c’est-à-dire dans un centre nerveux encéphalo-rachidien, qu’il est enfin dirigé vers l’écorce cérébrale.

La fonction du cerveau est alors éveillée. Cet organe, dans les points où il est atteint, est provoqué à agir selon sa nature. Il y a, dans son activité, un côté matériel, objectif, physiologique, comparable à l’action de tout autre organe commandé par le système nerveux, tel que le muscle ou la glande. A la vérité, l’activité matérielle du tissu nerveux cortical n’est pas un fait visible comme le raccourcissement d’un muscle ou l’excrétion d’une humeur, mais elle est cependant du même ordre : elle appartient au monde de la matière.


Avec cette activité de l’écorce, se clôt la série des phénomènes qui a débuté par l’excitation extérieure : le cycle d’excitation est achevé. L’acte est complet. Seulement, — et c’est là le fait merveilleux, — ce fonctionnement organique, qui seul tombe sous la prise du physiologiste, s’accompagne d’un fait nouveau qui s’y surajoute, fait d’ordre psychique, sans rapport intelligible et sans commune mesure avec lui, hétérogène à lui, inexplicable en un mot : c’est le phénomène de perception. Il y a

  1. Le nom de centre nerveux est entendu de différentes manières, et son emploi donne lieu à de continuels quiproquos, même entre physiologistes. Il y a des centres centraux et des centres périphériques, des centres trophiques et des centres fonctionnels. L’hémisphère cérébral est un centre qui contient lui-même d’autres centres, centres psycho-moteurs et centres psycho-sensitifs. En réalité, la véritable définition est celle que nous donnons ici : un relais sur le trajet de l’influx nerveux qui parcourt le cycle d’excitation. Une masse nerveuse qui est placée au commencement ou à la fin du cycle n’est pas un centre. L’activité du centre véritable s’intercale au milieu du cycle.