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c’est à faire ouvrir dans les villages des écoles de dentelle que s’emploierait leur propagande. Nous arrivons ainsi à l’une des questions les plus capitales pour l’avenir de cette industrie et qui se pose actuellement avec une force particulière : celle de l’apprentissage.


IV

C’est peut-être là, en effet, l’une des plus grosses inquiétudes de nos fabricans et la plus grave menace pour l’avenir. Étant donnée la disgrâce prolongée de la dentelle, si une reprise se manifestait, trouverait-on, et dans un avenir peu éloigné trouvera-t-on assez de dentellières habiles pour assurer la supériorité de la marque ? ou, si l’on n’y prend garde, dans un délai rapproché, le niveau artistique de nos dentelles n’arrivera-t-il pas forcément à baisser, les dentellières, aujourd’hui, se faisant de plus en plus rares et le recrutement en étant presque nul ?

Le travail de la dentelle est un travail de perfectionnement ; on fait encore assez rapidement de la « petite dentelle, » mais il faut un apprentissage minimum de quatre et cinq ans pour aborder les genres supérieurs. L’acheminement à la perfection se faisait autrefois tout naturellement, car l’apprentissage commençait au foyer et se poursuivait à l’école. La dentelle était, dans chaque famille, l’objet d’un enseignement très sérieux ; les mères apprenaient le métier aux enfans dès l’âge le plus tendre, à cinq ou six ans (plus on s’y met jeune, en effet, et plus facilement on apprend), et, si toutes les fillettes n’arrivaient pas à la grande habileté, au moins en résultait-il une éducation solide et un travail de moyenne excellent. L’œuvre du foyer était portée à sa perfection par l’école, dans ces temps où l’on croyait que l’enseignement professionnel devait avoir, dans l’instruction générale, une part prépondérante.

La dentelle était alors dans les campagnes l’objet d’un enseignement spécial : on la faisait en commun dans les classes de dentelle, dans les chambres de dentelle et dans ce qu’on appelait les « paillots. »

Les classes de dentelle, uniquement destinées à l’apprentissage, étaient d’ordinaire une dépendance de l’école et sous la direction d’une « maîtresse d’ouvrage, » choisie parmi les meilleures