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ne pouvions qu’en émettre l’idée et en faire entrevoir les heureuses conséquences.

Pour ma part, voici comme j’en concevrais la réalisation : un comité central serait créé à Paris, et des comités régionaux dans les pays où cette industrie s’exerce encore ; celui-là s’occuperait surtout de la dentelle, ceux-ci des dentellières. Le comité de Paris aurait pour but de favoriser la vente des dentelles à la main et s’efforcerait d’en remettre l’usage en honneur. Bien convaincues de l’utilité morale et sociale de cette industrie, les dames patronnesses feraient en sa faveur dans leur monde et près des artisans immédiats de la mode la plus chaleureuse propagande, prêchant d’ailleurs d’exemple et se faisant une règle de ne porter jamais que de vraies dentelles françaises. Elles prendraient donc la dentelle sous leur protection, s’y intéresseraient, l’étudieraient, en feraient même un travail d’intérieur ; elles entreprennent souvent des ouvrages plus compliqués, pourquoi le métier ne prendrait-il pas place au salon ? il y ferait assez bonne figure. Enfin notre comité encouragerait les achats sur commande directe au fabricant ; au besoin il en ferait en vue de ventes de charité, d’expositions, de réunions mondaines, etc. Voilà quelques vœux que j’émets pour bien prouver que le champ d’action est assez étendu : au reste, sur le terrain de la charité, l’ingéniosité féminine est extrême, et, adoptée, cette idée serait chez nous rapidement menée à bien.

Ce comité central « essaimerait, » — pour employer un terme économique assez expressif, — dans les pays dentelliers des comités régionaux, dont la haute société provinciale et les châteaux formeraient les cadres, et qui auraient pour fonction de s’occuper plus spécialement du sort des dentellières, d’en assurer et d’en faciliter le recrutement. Le château est naturellement fait pour protéger la chaumière, et il y aurait pour une châtelaine un rôle charmant à jouer en groupant dans son village un noyau de dentellières qui lui feraient ses dentelles : la charge ne serait pas des plus lourdes, et ce serait vraiment l’une des manifestations les plus nobles et les plus touchantes de l’assistance par le travail. C’est, au reste, moins une indication qu’un exemple que l’on propose : Mme la comtesse de P..., depuis des années, assure ainsi du travail aux femmes de C... et fait apprendre ce métier aux enfans.

C’est en ce sens que devrait s’exercer l’effort des comités régionaux ;