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aux armes d’Aragon porte la signature ordinaire de Simone Martini : Symon de Senis me pinxit.

On aimerait à pouvoir suivre depuis l’atelier de l’artiste siennois jusqu’à la chapelle de l’église napolitaine ce tableau historique, dont la mince pellicule d’or moulu et de couleurs claires décèle encore, tout élimée qu’elle est par le temps et l’incurie, un travail exquis de ciselure et comme d’émail sur bois, détaillé par une main attentive qui s’est appliquée pour complaire au roi dévot et magnifique. Malheureusement, nous savons peu de chose sur l’œuvre de Simone Martini. Une chronique du monastère de San-Lorenzo rapporte que le tableau votif fut d’abord placé à Santa-Chiara, dans l’église préférée du roi Robert. Il en fut enlevé dès la fin du XIVe siècle par la reine Marguerite, femme de Charles III, le prince angevin de la branche hongroise qui avait succédé à Jeanne Ire sur le trône de Sicile. La reine fit transporter le tableau à San-Lorenzo, où elle faisait élever le tombeau de son père et de deux autres membres de sa famille, pour que saint Louis veillât encore sur la chapelle funéraire de la seconde dynastie angevine. Enfin, au XVIe siècle, quand les religieux enlevèrent ces tombeaux et les reléguèrent dans le pourtour du chœur, l’œuvre de Simone servit de retable dans la chapelle de la famille Bancio-Terracina, où elle est encore. On donnerait volontiers cet itinéraire du tableau pour un mot sur son histoire, avant le jour où il entra dans l’église de Santa-Chiara. Doit-on penser que Simone Martini soit venu à Naples tout exprès pour peindre ce panneau ? Rien au moins ne le prouve, et il était facile de faire passer en Toscane les indications et les documens nécessaires à l’exécution de la commande royale. Ne sait-on pas qu’au commencement du XVe siècle, Donatello a sculpté à Pise le tombeau du cardinal Brancacci, destiné à une petite église de Naples ?

Pour la date à laquelle le tableau de San Lorenzo dut être exécuté, il y a une raison de la placer très près de la canonisation du saint qui, on s’en souvient, fut prononcée en 1317. Le sujet imposé au peintre n’est pas seulement Robert à genoux devant saint Louis ; c’est saint Louis transmettant la couronne à Robert. Or, on sait que l’avènement du successeur de Charles II souleva des contestations et donna lieu à un véritable procès plaidé devant la cour pontificale. La présence de Robert à Avignon emporta naturellement la décision de Clément V. Mais les Gibelins ne cessèrent de soutenir que la couronne de Sicile revenait, de par