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de Florence, en attirant à lui les peintres et les sculpteurs toscans, ce roi était bien aussi le dévot minutieux et le « roi aux sermons, » si dédaigneusement jugé par Dante. Au sortir de la docte conversation d’un Pétrarque ou d’une conférence avec Giotto sur la décoration des chapelles de Castel-Nuovo, Robert s’en allait prêcher en théologien disert et subtil dans un des monastères que sa magnificence avait fondés. Il distribua les charges de sa cour aux plus pieux personnages. C’est ainsi que, pour donner un gouverneur à son fils Charles, duc de Calabre, il choisit Éléazar de Sabran, comte d’Ariano, qui donna l’exemple de la chasteté dans le mariage, de concert avec son épouse, la bienheureuse Delphine de Puy-Michel, et qui fut canonisé, à la fin du XIVe siècle, sous le nom de saint Elzéar.

Entre la mort de saint Louis de Toulouse et sa canonisation, la piété de la famille d’Anjou devint de plus en plus étroitement franciscaine. Charles II ne s’était pas caché de favoriser les dominicains et l’Inquisition ; mais, dès l’avènement de Robert, les franciscains prirent possession du palais de Castel-Nuovo. Les fondations pieuses furent dotées par le trésor royal au nom de la reine Sancia, qui, conseillée par ses deux frères, était l’instrument docile des mineurs. On ne vit plus s’élever dans Naples que monastères de l’ordre de Saint-François. L’édifice le plus colossal qui ait été bâti au temps de Robert fut Santa Chiara, une église double-destinée à desservir deux monastères jumeaux, l’un de franciscains, l’autre de clarisses. Le roi et la reine finirent par être livrés sans retraite possible aux mains de leurs puissans protégés. Lorsque les frères de la pauvre vie, les Fraticelli, eurent formé une faction religieuse qui rapidement s’assimila à un parti politique, Robert suivit encore les audacieux. Il les appuya d’abord à sa manière scolastique et pesante, en écrivant un traité de la Pauvreté évangélique, où, avec mille précautions, il se prononçait en faveur de la thèse condamnée. Il défendit même les frères accusés contre Jean XXII, en personne, malgré les objurgations et les remontrances du pape. Le successeur de ce Charles II, qui avait prêté aux dominicains des armes contre les hérétiques, soutenait les franciscains jusque dans l’hérésie ; le roi des Guelfes se compromettait pour la secte admirable et insensée qui appelait Louis de Ravière en Italie, de concert avec les Gibelins. On sait que le roi Robert revêtit sur son lit de mort l’habit de Saint-François et qu’il est représenté sur