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l’ait contesté, des armes et des munitions de guerre à bord du transport allemand le Kaiser, ou même une cargaison de soufre à bord du vapeur argentin Marrias, pourvu que ces articles fussent expédiés au Transvaal. S’il en était autrement, il n’y aurait plus de contrebande de guerre et les neutres pourraient tout se permettre.

Mais les Anglais affichèrent, presque aussitôt après l’ouverture des hostilités, la prétention de classer les denrées alimentaires parmi les objets de contrebande. Les Allemands en résidence à Pretoria adressèrent à ce sujet, le de novembre 1899, une réclamation pressante à leur gouverneur. A la même date, s’il faut en croire les journaux belges, le Président Krüger aurait adressé la dépêche suivante à lord Salisbury : « Etant donné que nous avons ici près de 2 000 Anglais comme prisonniers de guerre, nous serons forcés de les nourrir avec de la bouillie de maïs, si vous continuez d’arrêter l’importation des denrées alimentaires. » M. Chamberlain aurait répondu, le 10 novembre, que le gouverneur avait donné des instructions « relatives à l’importation des objets d’alimentation dans la République sud-africaine, abolissant toutes les mesures restrictives édictées par les autorités britanniques dans l’Afrique du Sud. » Ou cette correspondance n’a existé que dans l’imagination des journalistes, ou le cabinet anglais changea bientôt d’avis. En effet, le 8 décembre, on apprit que le vapeur américain Mashona, à destination de Lourenço-Marques, avec un chargement de farines pouvant être réexpédiées au Transvaal, avait été saisi par un vaisseau de la marine royale. L’émotion fut très vive aux Etats-Unis. Sont-ce là, demandait le New-York World dans un article intitulé « Notre commerce attaqué », les premiers fruits de la fameuse alliance anglo-saxonne ? L’Angleterre outrepasse son droit. Le Herald soutenait à son tour qu’elle comblait de joie tous ses futurs ennemis en faisant des céréales un article de contrebande. La thèse anglaise, dit le Times de New-York, se retournera contre l’Angleterre, quand celle-ci sera engagée dans une guerre européenne. Le Sun écrivit : « C’est une tentative de suicide : si l’Angleterre ne peut subjuguer les Boers sans établir un tel précédent, mieux vaut cent fois pour elle rappeler ses soldats et reconnaître l’indépendance du Transvaal. » Lord Rosebery, sans donner ce dernier conseil, laissa percer les mêmes inquiétudes, dans une lettre adressée au Times (de Londres) le 30 décembre. Cependant la cour des prises coloniales était saisie ; un télégramme du 5 janvier annonça qu’elle