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ardent des panégyristes[1]. Le 8 janvier, les passagers américains du vapeur Kœnig écrivent au New York Herald que les prisonniers anglais sont traités avec une grande bonté. A Stormberg, on leur fournit le moyen de jouer au football ; on les aide même à donner des concerts[2]. M. Léopold Hess raconte que les officiers anglais, captifs à Pretoria, s’étant plaints de n’avoir pas de marmelade à leur déjeuner, le Président Krüger a donné l’ordre de leur offrir tout ce qu’on pourrait trouver de ce dessert : « Le monde, aurait-il dit, verra que nous sommes des gens civilisés[3]. » Bien plus, dans la seconde quinzaine de février, d’après l’attestation d’un chirurgien anglais, les fédéraux, non contens de fournir des matelas aux soldats de Sa Majesté britannique, se sont privés de tous les œufs qu’ils avaient à leur disposition pour les donner à leurs prisonniers malades. La conférence de la Haye n’en demandait pas tant, et cet excès de courtoisie dépasse les prévisions de la philanthropie la plus ardente.


IV. — INTERDICTION DU COMMERCE ENTRE BELLIGÉRANS. — LA CONTREBANDE DE GUERRE

Les Anglais ont toujours affecté de maintenir, avec une énergie particulière, la vieille maxime du droit international : est prohibition habere commercium cum inimicis. Le sous-secrétaire d’Etat Bourke, tout en défendant devant la Chambre des communes, le 3 mars 1877, la déclaration de 1856, attaquée pour la neuvième fois dans le parlement, réfutait avec une grande vivacité les novateurs qui soutenaient la légitimité du commerce impartial entre belligérans : « Ce pays, disait-il, pourrait-il supporter un résultat aussi absurde : l’ennemi bombardant nos côtes, et ses navires marchands entrant dans nos ports ou en sortant avec une absolue sécurité ? La convention qui consacrerait un tel

  1. Voici le texte de l’interview : « J’étais couché entre des rochers, dans l’impossibilité de me lever. Un soldat boer vint à passer près de moi : « Un demi-souverain lui dis-je, si vous me transportez au bas de la colline. » Il me prit entre ses bras comme un enfant et me déposa sur un sol moins rocailleux. Je lui tendis alors le demi-souverain ; il refusa de le prendre. Passèrent alors près de moi, comme j’étais grelottant de fièvre, deux commandans boers. L’un me dit en anglais : « Qu’avez-vous donc, mon vieux ? vous êtes blessé ? — Oui, répondis-je. — Ah ! reprit-il, vous vous êtes tout de même bravement battus et ce n’est pas votre faute si… » Il n’acheva pas. Avant de s’en aller, ils jetèrent leurs manteaux sur moi. Je fus ensuite transporté dans une ferme, où je reçus les soins nécessaires. »
  2. Télégrammes du 26 janvier.
  3. Journaux du 20 janvier 1900.